La main dans le piège



 

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Josué Starvinski

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MessageSujet: La main dans le piège   La main dans le piège Icon_minitimeVen 31 Mai - 18:37



Ce n’était même pas par gourmandise. Josué avait vraiment faim. Le matin-même, il n’avait pas eu le loisir de goûter à l’espèce de bouillon-ragout sans saveur auquel les orphelins  avaient droit pour commencer la journée. Faisant partie des plus petits et des plus bas enfants de l’orphelinat, il n’était pas rare qu’il dût renoncer à son repas pour l’offrir à un rang plus élevé.  

Depuis plusieurs heures, son ventre criait famine. Josué l’entendait gargouiller furieusement, comme s’il essayait de se faire entendre de tous les pensionnaires, tandis que lui tentait vainement de se concentrer sur sa tâche afin d’oublier sa faim. Il avait réussi à recoller un morceau de papier peint, regarnir un fauteuil, refixer des rideaux… Mais maintenant, tous ces efforts physiques sans rien dans l’estomac lui donnaient le tournis. Il se sentait de plus en plus faible et ramolli, et parfois même il ne sentait plus l’extrémité de ses doigts. Il ne tarderait pas à défaillir, et cela lui vaudrait une foule de railleries de la part de ses camarades. Personne n’était très tendre avec les plus faibles. Tout au plus les prenait-on en pitié sans oser le montrer.

Une odeur divine titilla bientôt ses narines. Qu’est-ce que… Qu’est-ce que c’était ? Abandonnant ses outils, Josué se redressa et se mit à humer le doux parfum qui se propageait dans l’air – et dans son nez. C’était sucré, c’était délicat, c’était tellement, tellement appétissant ! C’était… irrésistible.

Lorsqu’il n’y a ni adulte ni innocence, l’enfance à la vie dure. Pourtant, Josué en était un, un petit garçon qui subissait les craintes et les désirs de tous ceux de son âge. A quelques nuances près. Et un furieux désir de gouter au met qui diffusait ce parfum merveilleux grandissait en lui. Sa méfiance perpétuelle venait de se mettre sur pause.

Prudent tout de même, Josué suivit pas à pas le sillage invisible, jusqu’à parvenir à la source du délice. Des petits gâteaux, qu’un enfant cuisinier était en train de terminer, parsemant la pâte gonflée de quelques écrins chocolatés. Ce genre de plaisirs était réservé à l’aristocratie, et d’ailleurs il semblait à Josué que cela faisait au moins mille ans qu’il n’y avait pas gouté. Par sûreté, le jeune cuisinier alla cacher les pâtisseries dans un placard, le temps de les laisser refroidir à l’abri des regards. Et il s’éclipsa.

Un furieux dilemme prit alors place dans son cœur. S’il se faisait prendre à pénétrer dans la cuisine et dérober ne serait-ce qu’une miette, sa vie déjà fort malheureuse deviendrait un véritable enfer. Mais cette autre voix dans sa tête, celle de la tentation, lui criait de se ruer sur les gâteaux interdits. Cela évoquait certainement la détresse d’Adam et Eve dans le jardin d’Eden ! Et comme la première femme, Josué Starvinski finit par succomber à la tentation. Il s’infiltra dans la cuisine, se dirigea à grands renforts de coups d’œil alertes vers le placard, et sans oser regarder à l’intérieur, il y glissa sa main afin d’attraper un gâteau. Mais rien ne se passa comme prévu.

Une douleur fulgurante enflamma sa main, lui arracha un cri plaintif. Il sortit sa main blessée aussitôt, s’apercevant ainsi qu’elle était coincée dans une sorte de piège à souris. Ses doigts étaient rouges, légèrement boursouflés, quelques écorchures entaillaient le majeur et l’index. Il parvint avec difficulté – et souffrance – à desserrer l’étreinte du piège et retirer sa main, qui lui faisait atrocement mal. Mais plus encore que la douleur, c’était la peur qu’il ressentait avec de plus en plus d’intensité. Une main handicapée ne passe pas inaperçue dans l’orphelinat, d’autant plus lorsque c’est la main d’un réparateur. Comment pourrait-il se servir de ses outils à présent ? Il ne parvenait même pas à plier les doigts ! Des larmes d’affolement commençaient déjà à embuer ses yeux pâles. L’aspect de sa blessure ne laisserait aucun doute quant à son origine ! Et la souffrance qu’il ressentait en ce moment ne serait rien face à celle qu’on lui infligerait en le sachant coupable d’un tel délit…

– C’est pas vrai, c’est pas vrai, gémissait-t-il en regardant autour de lui, prêt à fondre en larmes.

Mais tout n’était pas encore perdu. Il se releva prestement, et tâchant de ravaler ses larmes et sa panique, Josué enfoui la main meurtrie dans sa proche avant de quitter la cuisine. La démarche mécanique, il se dirigea vers le seul lieu qui pourrait lui être d’un certain secours. L’infirmerie.

Il inspira et expira plusieurs fois. Il savait qu’il risquait gros. Eleveira Steamblood, l’infirmière au caractère bien trempée, était ambigüe et assez imprévisible. Il ne savait pas à quoi s’attendre. Mais, ainsi prostré devant la porte de l’infirmerie, Josué savait qu’il n’avait pas le choix. Il laissa sa main effleurer un moment la surface de la porte. Et il toqua. L’angoisse était telle qu’elle lui brûlait la gorge.  



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MessageSujet: Re: La main dans le piège   La main dans le piège Icon_minitimeJeu 11 Juil - 21:55

Pour la septième fois depuis le début de la journée, Eleveira poussa un soupir plein de lassitude et d’agacement.
La jeune fille s’ennuyait ferme. Elle avait épluché tous les livres à sa disposition à l’infirmerie et s’était rendu compte qu’elle en avait mémorisé des dizaines et des dizaines de chapitres à force de les lire encore et encore. Assignée à son post par Lucifel – petite blague désagréable de la part du Prince – elle ne pouvait pas s’éclipser en direction de la bibliothèque pour en chercher de nouveaux. Elle s’était donc contentée des mêmes et immuables chapitres, encore et encore, allant jusqu’à recopier sur de vieilles feuilles jaunies et écornées les schémas et coupes anatomiques gravées dans les traités d’anatomie ou de botanique. Elle avait dressé la liste des médicaments encore disponibles, ainsi que du matériel qui n’avait pas été utilisé pour le moment, puis décida de ranger tous les remèdes par ordre alphabétique. Finalement, l’agencement lui déplut, et elle décidé plutôt de les classer du plus grand au plus petit.
Une fois cela fait, elle arpenta l’infirmerie de long en large, auscultant de très près sa montre à gousset. Il n’y avait personne aujourd’hui – même Samuel était suffisamment en forme pour ne pas avoir à rester alité, et Letitia, l’autre infirmière, avait eu le bon sens d’avoir quelque chose à faire avec sa sœur et ainsi de ne pas traîner dans ses pattes comme elle le faisait souvent. Pour elle, la petite blonde au visage angélique n’était qu’une gêne de plus.

Elle a sa place en tant que jardinière, pensa la jeune fille avec médisance, ou comme fleuriste. Elle a tout sauf les capacités pour soigner les autres.

Eleveira en aurait bien touché deux mots à Lucifel, mais elle était presque certaine que le Prince l’aurait envoyé balader, clamant que la sœur Haze était tout à fait charmante et apte à exécuter les tâches qui lui étaient confiées – et puis, miss Steamblood n’avait pas forcément son mot à dire dans l’affaire.
Ce fut avec un soupir las et quelque peu irrité qu’elle chassa ces pensées de son esprit, se massant les tempes en un geste de pur agacement.
Ce fut également à ce moment précis qu’un bruit se fit entendre de l’autre côté de la porte. Tournant ses yeux vairons vers le panneau de bois, la jeune fille tendit l’oreille. Elle voyait vaguement bouger une ombre de l’autre côté et entendait, ténu, le bruit du tissu qu’on froisse. Elle se demanda ce que pouvait bien faire la personne debout là-dehors et si elle comptait bouger un jour, lorsque quelques coups presque timides furent frappés.
Haussant les sourcils, la demoiselle se laissa glisser au bas de sa chaise et alla prestement ouvrir.
Elle ne perdit pas une seconde et se mit immédiatement à détailler le nouveau venu. Des cheveux noirs ébouriffés, une silhouette plutôt frêle, des yeux très bleus dans un visage qu’elle avait déjà vu plusieurs fois. A première vu, Eleveira ne vit pas ce qui allait mal chez Josué. Mais s’il venait la déranger, avec sa réputation à Cloverfield, ce n’était certainement pas pour rien ni pour lui faire une mauvaise blague ; il n’y avait que le Prince pour se risquer à cette activité sans risquer se retrouver « malencontreusement » empoisonné ou avec une cheville tordue suite à une chute malheureuse dans les escaliers.
La jeune fille s’écarta pour laisser entrer le garçon, puis referma derrière elle.

« Assied-toi là » dit-elle en désignant un lit vide.

Une fois Josué installé, elle le regarda droit dans les yeux, bras croisés, le détaillant une nouvelle fois.

« Que t’est-il arrivé et qu’est-ce que tu as bien pu faire pour avoir l’air aussi coupable et mal à l’aise ? »

Il est vrai que le petit Français n’avait pas l’air très en forme : la tête basse, l’une de ses mains enfoncée dans sa poche, il jetait régulièrement des coups d’œil furtifs à la porte d’entrée, comme s’il craignait que quelqu’un ne fasse brusquement irruption dans la pièce. La jeune fille le fixait toujours, sans ciller, attendant qu’il lui montre pourquoi il était venu la voir et qu’il lui explique quelle bêtise il avait commis pour ressembler ainsi à un animal apeuré.
 




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Josué Starvinski

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MessageSujet: Re: La main dans le piège   La main dans le piège Icon_minitimeLun 22 Juil - 17:03



– Que t’est-il arrivé et qu’est-ce que tu as bien pu faire pour avoir l’air aussi coupable et mal à l’aise ?

Josué aurait dû s’attendre à une question pareille, pourtant il se sentit totalement démuni et tout aussi tétanisé. Que répondre à cela ? Sa main était toujours dissimulée sous le tissu râpeux de sa poche, mais dès lors qu’il la sortirait, il ne ferait aucun doute quant à l’origine de cette blessure. Eleveira était tout sauf stupide et crédule. A vrai dire, la vivacité d’esprit acérée de la jeune fille n’était méconnue de personne, et comme plusieurs autres pensionnaires, elle intimidait sérieusement le jeune Starvinski.

Tandis qu’il demeurait empêtré dans son silence, il jeta des regards furtifs autour de lui, cherchant un soutien que lui seul était capable de voir. Le fantôme d’Isaac, son frère, qui le suivait même mort. Mais Isaac n’était pas là. Il n’y avait que lui, l’infirmière charismatique de l’orphelinat, et cette faute gigantesque qui ne tarderait pas à être révélée.

Malgré cela, Josué ne put se résoudre à dire la vérité. Elle lui semblait trop crue, et le simple fait de devoir l’exposer avec des mots semblait un effort impossible. Il finit donc, très lentement, par sortir sa main meurtrie de sa poche, dévoilant des doigts à la teinte bleuâtre et légèrement violacée, gonflés et sanguinolents. C’était tellement moche qu’il ne put réprimer une grimace et dut détourner le regard.

Présentant timidement sa main – il n’osait même pas la bouger – à la vision d’Eleveira, il dit encore plus timidement :

– Je… J’étais en train de fabriquer… un piège. Pour les bestioles qui ravagent le potager. Et en le testant je l’ai malchanceusement refermé sur ma main.

Le mot sonna bizarrement à ses oreilles et il devina immédiatement qu’il avait fait une faute de grammaire. Le genre de chose qui pouvait provoquer quelques froncements de sourcils – jamais bon signe en l’occurrence – à Eleveira Steamblood, dont la syntaxe était toujours fort élaborée pour son âge. Afin de garder une contenance, il ne se reprit pas mais plongea son regard bleu droit dans les yeux étranges de la jeune fille. Certainement voulait-il prouver qu’il ne mentait pas. En tous cas, il entendait vraiment montrer quelque chose par ce regard, même si sans aucun doute, la crainte s’y lisait aussi. Peut-être était-ce simplement : « S’il te plait. Aide-moi. »

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Eleveira Steamblood

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MessageSujet: Re: La main dans le piège   La main dans le piège Icon_minitimeMer 7 Aoû - 16:49

Eleveira fixait Josué avec attention, silencieuse, attendant qu’il se décide à parler. Elle ne manqua pas de remarquer les coups d’œil affolés qu’il jetait partout, la main toujours dissimulée à l’intérieur de sa veste et les secondes qui s’écoulaient les unes après les autres sans qu’aucune explication ne soit donnée.
La jeune fille retint un soupir, prenant sur elle. Elle n’était pas forcément réputée pour sa patience, et elle détestait qu’on lui cachât des choses. Si les gens venaient la voir pour être soignés, elle ne pourrait pas s’occuper d’eux de la meilleure des manières possibles s’ils ne lui disaient pas exactement ce qui leur arrivait. Et le petit Français n’était pas son sujet d’expérimentations préféré – elle réservait ces traitements parfois hasardeux à des orphelins qu’elle estimait bien moins que lui. Ce qui revenait à dire que la quasi-totalité de Cloverfield pouvait se retrouver transformé en cobaye à son insu.

Finalement, le garçon sortit la main de sa poche ; lentement, timidement même, il la présenta à l’infirmière qui ne cilla pas en voyant les doigts gonflés et violacés, voire bleus par endroits. La peau avait éclaté ici et là, laissant s’échapper quelques gouttes de sang écarlate qui n’arrangeaient en rien le tableau pas spécialement agréable à l’œil que représentait le membre meurtri du jeune Starvinski.

- Je… J’étais en train de fabriquer… un piège. Pour les bestioles qui ravagent le potager. Et en le testant je l’ai malchanceusement refermé sur ma main.

Eleveira laissa échapper un sifflement agacé d’entre ses dents serrées tandis que, d’une main, elle remontait ses lunettes rondes le long de son nez. La faute de langue sonnait à ses oreilles comme une insulte à cette langue qu’elle maniait fort bien pour une demoiselle de son âge, réminiscence de la haute bourgeoisie dont elle était issue. Elle avait à cœur le respect de la syntaxe et de la grammaire, et elle espérait des autres qu’ils soient aussi rigoureux qu’elle.
Chose bien rare dans un établissement comme celui qu’était l’orphelinat.

- Maladroitement, répliqua-t-elle sèchement, ou malencontreusement. Malchanceusement est un mot qui n’existe pas.

Elle soutint le regard bleu du garçon ; un regard étrange, pas vraiment assuré et même assez effrayé. Et pour une fois, la demoiselle était prête à parier qu’elle n’y était pour rien – ou pour moins que d’habitude.
Sans un mot, elle se leva et alla chercher de quoi panser les doigts du réparateur. Elle attrapa un tissu propre et un pot plein de désinfectant, puis retourna s’asseoir face à Josué. Posant ses affaires sur une petite table toute proche, elle entreprit de nettoyer les doigts meurtris avant de doucement les envelopper dans des bandages que le temps avait déjà commencé à jaunir un peu.

- Qu’est-ce que tu es en train de me cacher, Josué ?

Elle avait posé la question tout à fait calmement et le fixait par-dessus la monture de ses lunettes, ses yeux vairons plantés dans les siens.
Elle trouvait ses réactions trop louches pour ne pas insister, et elle l’interrogerait jusqu’à ce qu’elle obtienne sa réponse.
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Josué Starvinski

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Josué Starvinski
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MessageSujet: Re: La main dans le piège   La main dans le piège Icon_minitimeSam 31 Aoû - 18:39



Josué fixa d’un regard tremblant, un peu comme la flamme vacillante d’une bougie, le regard singulier de son interlocutrice. Eleveira l’avait toujours impressionné, comme c’était le cas de bien des pensionnaires de l’orphelinat. Mais se retrouver face à elle était encore plus intimidant. Il ne savait si ce fait prenait son origine dans ses prunelles étranges ou dans la dureté charismatique de sa voix, à moins que ce ne fût simplement sa stature digne qui évoquait l’âge adulte bien plus que l’enfance. Le fait est qu’il était partagé entre continuer de se taire – le silence se révélait souvent son meilleur allié – ou s’autoriser à déballer une vérité plus ou moins déformée.

Josué cligna des yeux plusieurs fois, humectant ses lèvres asséchées par l’angoisse. Il n’avait jamais réussi à deviner de quel bord était la jeune infirmière. Etait-elle une alliée certaine de la Royauté ? Tâchait-elle de s’attirer leurs bonnes grâces tout en veillant secrètement sur les orphelins démunis ? Ou bien penchait-elle d’un côté ou de l’autre, en fonction des circonstances, de ses besoins et de ses espérances…

Josué était un garçon malin et vif, mais son esprit n’était pas encore assez mûri pour trouver une réponse à ses interrogations, qui se contentaient donc de demeurer en suspens au-dessus de sa tête brune.

– Je suppose que… Tu ne me laisseras pas garder ça pour moi ?

L’expression fermée et fixe d’Eleveira répondit à cette question-ci sans difficulté. A la fois déçu et craintif, un peu comme un prisonnier sur le point de révéler un crime passible d’un grand châtiment, Josué baissa la tête et souffla :

– J’ai fait une faute. Ce n’est pas utile de savoir laquelle. Tu vas répétera ça ?

La peur et le désespoir – ces sentiments s’imposaient déjà en son cœur lourd – embrouillaient on anglais déjà fort bancal. Mais c’était là une préoccupation bien éloignée de celles qui le tourmentaient présentement.

Balançant ses jambes maigres au-dessus du lit, Josué n’espérait même pas que son aspect misérable attendrît l’infirmière. Eleveira Steamblood n’avait pas le cœur mauvais – du moins espérait-il  s’en convaincre – mais il n’était pas tendre pour autant. Le seul moyen de se sortir de cette situation serait de trouver quelque chose… Quelque chose à faire, à dire, ou même à prouver, qui ferait penser à Eleveira que dénoncer Josué serait une erreur. Relevant la tête, le garçon ajouta alors :

– Si tu me soignes en gardant silencieuse, je ferai ce que tu veux pour toi. Tout ce que tu veux.


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Eleveira Steamblood

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MessageSujet: Re: La main dans le piège   La main dans le piège Icon_minitimeDim 1 Sep - 12:05

L’infirmière fixait Josué sans broncher, sans compassion et sans empathie d’aucune sorte. Il s’était présenté à elle avec un problème, et visiblement ce problème était suffisamment important pour qu’il ait peur des conséquences d’une révélation quelconque. Et si c’était aussi grave qu’il le laissait entendre, alors le fait qu’il soit venu la voir pouvait la mettre elle aussi dans le pétrin si elle ne disait rien.
Cependant, contrairement à la très grande majorité des autres orphelins, Eleveira n’était pas du genre à dénoncer à tours de bras dès que l’occasion s’en présentait. Oh bien sûr, ça lui était arrivé de le faire, évidemment, mais par pur intérêt ou par vengeance mesquine, jamais pour se faire bien voir de la royauté – il n’aurait plus manqué qu’elle fasse ce petit plaisir à Lucifel, de se soumettre corps et âmes à ses petits jeux tordus.
Cela dit, elle tenait aussi à sa tête, et si elle devait faire tomber celle de Josué pour garder la sienne, alors elle le ferait sans remord.

– J’ai fait une faute. Ce n’est pas utile de savoir laquelle. Tu vas répétera ça ?

La jeune fille eut un petit reniflement méprisant et agacé, tout à fait dérangée par la grosse faute de conjugaison du petit Français. Elle était tout à fait intransigeante avec le respect de la langue, quelle qu’elle soit d’ailleurs, et les multiples erreurs du réparateur commençaient à rogner sa patience.
Au moins était-elle fixée : il avait bien fauté. De quelle façon, elle arriverait bien à l’apprendre d’une manière ou d’une autre.

– Si tu me soignes en gardant silencieuse, je ferai ce que tu veux pour toi. Tout ce que tu veux.

Grinçant silencieusement des dents, Eleveira parvint néanmoins à garder un visage impassible. Levant la main, elle mit une torgnole derrière la tête du garçonnet.

- Tais-toi, la peur rend ton anglais encore plus mauvais qu’en temps normal.

Tout en allant chercher ses affaires, la demoiselle réfléchissait. Que pouvait-bien lui apporter ce bonhomme né de l’autre côté de la Manche et qui avait été désigné comme l’un des souffre-douleurs favoris de l’orphelinat ? Y avait-il seulement quelque chose que cet étranger à la terre d’Albion puisse lui apprendre ?
S’arrêtant brusquement, Eleveira haussa légèrement ses sourcils aussi blonds que ses longs cheveux.

Il y a bien quelque chose, en fait ... pensa-t-elle.

Pommade et bandages en main, elle se tourna pour faire face à Josué et planté ses yeux vairons dans les siens.

- Tout ce que je veux, n’est-ce pas ?

S’approchant de lui, elle lui prit la main et commença à y appliquer l’onguent, sans grande tendresse mais sans lui faire volontairement mal non plus.

- Eh bien, puisque tu as l’air si volontaire, tu vas m’apprendre quelque chose.

Elle releva la tête et le fixa une nouvelle fois, ses prunelles vertes et noires rivées dans les siennes d’un bleu pâle.

- Tu vas m’apprendre à parler français. Et tu as intérêt à bien le faire. Quant à moi, j’essaierai de corriger ton si mauvais anglais.

Un fin sourire amusé et intéressé se peignit sur le visage intelligent de la jeune fille. Un marché, voilà ce qu’elle lui proposait : s’il savait se montrer vraiment utile, s’il pouvait réellement lui apprendre quelque chose de nouveau, alors, elle ne le dénoncerait pas. S’il s’avérait décevant en revanche ... eh bien, il serait toujours temps d’aller glisser un petit mot anonyme au Sycophante.
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Josué Starvinski

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MessageSujet: Re: La main dans le piège   La main dans le piège Icon_minitimeDim 8 Sep - 17:27



Josué resta bouche bée. Il y avait deux raisons à cela. Premièrement, il répondait à l’ordre déclaré par Eleveira elle-même, manifestement irritée de le voir malmener la langue anglaise avec une violence proche de celle dont avait été victime sa propre main. Secondement, il n’arrivait pas à croire que l’infirmière aux yeux vairons vînt de lui proposer un marché. Car il s’agissait bien de cela et non d’autre chose : un accord secret visant à alimenter les connaissances d’Eleveira Steamblood.

Eleveira Steamblodd, d’ailleurs, était certainement la seule personne en ce lieu qui aurait pu désirer une telle contrepartie. Les autres orphelins, même les plus élevés dans la hiérarchie – bien que ceux-ci se garderaient bien de conclure des pactes avec leurs sous-fifres – auraient songé à des services d’ordre plus… pratique. Plus efficace, plus matériel. Une tâche, un bien, une alliance… Eleveira avait demandé des cours de Français.

On frappa à la porte. Eleveira fit entrer un jeune enfant qui venait de se planter une immense écharde dans la main, et Josué devina que c’était un commis au potager. On voyait qu’il essayait de se retenir de pleurer. La jeune fille le fit asseoir et alla s’affairer parmi ses compresses et autres pansements, aussi Josué décida de prendre congé. Le bandage qui recouvrait sa main était serré, et il avait l’air plutôt ancien, mais le garçon sentait déjà sa douleur en partie soulagée. Eleveira avait déjà rempli sa part du marché.

S’approchant de la porte tandis que la jeune fille s’occupait toujours de l’enfant mal en point, Josué dit d’une voix forte :

– Très bien, Eleveira. Je reviens donc demain à dix heures pour le bandage.

Le regard ferme mais approbateur de l’infirmière lui fit savoir qu’elle avait compris. Josué referma la porte et retourna à son ouvrage. Ce ne fut que la nuit, étendu dans sa couche sommaire, qu’il repensa enfin à ce qui l’attendait. Josué se posait encore bien des questions sur Eleveira. Elle n’était pas… Elle n’était pas comme les autres. Pendant un long moment, il tâcha de comprendre d’où lui venait cette impression. Puis, au terme de plusieurs minutes, un mot lui apparut en esprit. Préservée. Eleveira était préservée. Elle le semblait en tous cas. Préservée de la peur, de l’angoisse, des monstres, de la dictature de la Royauté, du climat froid et malsain qui régnait dans Cloverfield. Elle était à part, épargnée, en dehors, comme contemplatrice d’un monde en plein chaos, à la fois immobile et inatteignable. Ce n’était sûrement qu’une impression, une façade qu’elle imposait pour éviter qu’on ne devinât ses failles, il n’empêche que c’était sacrément impressionnant. Même chez Alieen, sa supérieure, Josué avait vu des faiblesses, il avait su voir les frayeurs derrière les sarcasmes, la crainte au-delà de l’assurance. Avec Eleveira, niet.
Pourtant, elle aussi n’était qu’une orpheline. Une rang 4, certes, mais allons ce n’était pas non plus la belle vie. N’avait-elle peur de rien, de personne ? Avait-elle peur du Sycophante ?


Josué fut réveillé au matin par une douleur diffuse au niveau de sa main. Le bandage avait tenu, mais il était souillé de rouge. Il comprit qu’il avait ressaigné. Josué mettait toujours longtemps à cicatriser. Il sentait ses doigts engourdis et gonflés. La journée risquait d’être longue. Comment ferait-il pour s’adonner à son travail une main en moins ?!
Il n’avait pas toujours été si fragile. Bien que frêle à l’origine, fut un temps où Josué, malgré ses poumons délicats, était assez résistant aux épreuves physiques. Ce furent les traitements de la ferme de M. Mouchard, l’existence pénible de l’Orphelinat, et pire encore, les plats funestes et les médicaments bizarres des sœurs Hingley qui aggravèrent dangereusement son état de santé. C’était plus ou moins un miracle que Josué fût encore en vie.

A dix heures cinq – Josué était français, on ne pouvait pas tout espérer de lui – le garçon se présenta à l’infirmerie. Eleveira le fit entrer sans manifester de grand enthousiaste, mais Josué ne s’en formalisa pas. La douleur de plus en plus aigüe qu’il ressentait dans sa main accaparait son attention. Malgré cela, désireux de prouver à sa camarade – qu’il avait néanmoins du mal à considérer comme une enfant – sa vaillance et sa loyauté, il entama le cours sans même évoquer sa meurtrissure.
Nerveux et balbutiant, la première leçon ne fut pas clairement un succès. Josué se contenta de présenter à Eleveira les formules de base d’un français moyen. Bonjour, Au revoir, Comment allez-vous, Merci, S’il vous plait, Je vous en prie, Je m’appelle, Je demeure à, J’ai quatorze ans. Eleveira emmagasinait les informations à une vitesse folle, que Josué n’avait pas anticipée. Elle retenait tout, sans difficulté, buttant à peine sur les prononciations pourtant bien complexes du français. Comme l’heure avançait – plus vite qu’il ne l’avait prévu – Josué proposa de traduire quelques noms des orphelins qu’ils connaissaient.

– Par exemple… Poppy, il s’appellerait en français… Poppy Chant d’oiseau. Ou même Coquelicot Chant d’Oiseau. On inverse, toujours. Il faut ajouter la… heu… préposition « de ». Dolores, ce serait Dolores Chasser ou Chasse. Le petit Seth, il s’appellerait Seth Aîné. Aîné. Alistair, on dirait Chevalier, d’ailleurs c’est assez répandu. Je ne sais pas si cela a un rapport avec les chevaux. On dit un cheval, des chevaux d’ailleurs. Un journal, des journaux. Un animal, des animaux. Lune elle porte un nom français, car c’est la lune. Tu le savais, ça ? Bon, moi ça ne compte pas, j'ai un nom Polonais... Et toi… Cela donnerait… Cela donnerait « vapeur de sang ».

Josué déglutit. L’expression était encore plus sinistre en français, du fait que c’était la langue qui avait pour lui le plus de sens. Eleveira ne bronchait pas. Vapeur de sang. Josué s’humecta les lèvres et rejeta une mèche brune collée à son front. Il transpirait. Sa gorge était asséchée par son flot de paroles saccadées. Peut-être avait-il trop forcé sur la cadence...
Mais non, décidément, il se sentait vraiment bizarre. Il n’était pas bien. Sa peau le brûlait et une cocotte-minute invisible avait investi son crâne. Ses paupières étaient cuisantes. Ses doigts tremblaient.  Il sentait des gouttes de sueur tomber dans sa nuque et glisser dans son dos. il avait froid, et chaud, et froid, et…

– Tu as des questions ?

Sa voix était plus faible qu’il ne le voulait. Il fallait qu’il se reprenne.


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Eleveira Steamblood

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MessageSujet: Re: La main dans le piège   La main dans le piège Icon_minitimeMar 12 Nov - 13:29

Le silence de Josué manqua l’agacer une nouvelle fois. Cela dit, il ne massacrait plus l’anglais comme il l’avait fait plus tôt, et ceci représentait un certain soulagement pour la légèrement maniaque Eleveira. De plus, l’expression incrédule qui s’inscrit sur le visage du petit Français lui arracha un sourire satisfait. On ne pouvait pas dire que la demoiselle n’aimait pas produire son petit effet ; toute orgueilleuse et intelligente qu’elle était, elle n’en restait pas moins une jeune fille qui appréciait de jouer des tours à ses camarades d’infortune de temps à autres, et avoir mis Josué dans cette position était assez jouissif quelque part.

Quelques coups frappés à la porte lui firent froncer légèrement les sourcils. Descendant de son siège, elle alla ouvrir et baissa la tête, se retrouvant nez à nez avec un enfant d’à peu près huit ans qui tenait sa main couverte de terre et dans laquelle était plantée une énorme écharde. Eleveira se pinça l’arrête du nez en soupirant.

- Luke ...
- J’ai mal à ma main ... répondit le susnommé Luke en reniflant, les larmes aux yeux, se retenant de pleurer tant bien que mal.

Eleveira avait l’habitude de le voir débarquer à l’infirmerie au moins une fois par semaine ; le garçonnet était assez maladroit et avait une capacité tout à fait fascinante à se faire mal. Remettant ses lunettes en place, l’infirmière laissa entrer le petit et le fit s’installer, puis se mit à chercher de quoi le nettoyer et soigner sa plaie avant que ça ne s’infecte et ne devienne dangereux. Décidément, pensa-t-elle, les gens avaient une fâcheuse tendance à se faire mal aux mains aujourd’hui.
Entendant quelque chose bouger derrière elle, elle se retourna et regarda Josué se diriger vers la sortie, en lançant d’une voix trop forte pour être sincère :

– Très bien, Eleveira. Je reviens donc demain à dix heures pour le bandage.

La jeune fille haussa légèrement un sourcil quelque peu perplexe, mais soutint son regard avec fermeté, lui indiquant par là-même qu’elle avait noté le rendez-vous qu’il lui donnait le lendemain matin. Une fois qu’il fut sorti, elle reporta son attention sur Luke et se mit à le soigner correctement, reconnaissante qu’il daigne bien se taire durant le temps que cela lui prit pour le désinfecter et le bander.
Le reste de la journée passa le plus tranquillement du monde, et le soir venu, une fois de retour dans son dortoir, la demoiselle aux yeux dépareillés fixa le plafond un long moment, se demandant ce que Josué pourrait bien lui apprendre de sa langue maternelle. Finalement, elle s’endormit en se disant que, de toute façon, elle apprendrait quelque chose de nouveau, et que ça valait bien la peine qu’elle couvre Josué pour sa faute.


Le lendemain, Eleveira attendit que le garçon se présente à l’infirmerie. Il arriva avec cinq minutes de retard, ce qui la fit grincer des dents, mais elle se retint de faire une quelconque remarque à ce sujet et le laissa s’installer.
Elle l’écouta avec attention, retenant tout avec une facilité déconcertante. Elle tendait l’oreille pour mieux entendre et comprendre les prononciations particulières de cette langue beaucoup plus sèche que l’anglais. Le manque d’intonations lui sembla bien étrange, mais elle s’en accommoda bien vite et assimila les formules de bases avant la fin de la leçon. Elle écouta Josué lui traduire les noms des orphelins qu’ils côtoyaient, en profitant pour engranger des mots de vocabulaire.

– Par exemple… Poppy, il s’appellerait en français… Poppy Chant d’oiseau. Ou même Coquelicot Chant d’Oiseau. On inverse, toujours. Il faut ajouter la… heu… préposition « de ». Dolores, ce serait Dolores Chasser ou Chasse. Le petit Seth, il s’appellerait Seth Aîné. Aîné. Alistair, on dirait Chevalier, d’ailleurs c’est assez répandu. Je ne sais pas si cela a un rapport avec les chevaux. On dit un cheval, des chevaux d’ailleurs. Un journal, des journaux. Un animal, des animaux. Lune elle porte un nom français, car c’est la lune. Tu le savais, ça ? Bon, moi ça ne compte pas, j'ai un nom Polonais... Et toi… Cela donnerait… Cela donnerait « vapeur de sang.

Eleveira pencha légèrement la tête sur le côté. Vapeur de sang. Les mots sonnaient étrangement à ses oreilles. Elle les prononça doucement, presque dans un murmure, les syllabes roulant sur sa langue.

- Vapeur de sang ...

Elle était tout à fait consciente que son nom de famille avait quelque chose de lugubre et peu rassurant, mais l’entendre traduit dans une autre langue était une expérience pour le moins intéressante. D’autant que les sonorités nouvellement entendues rendaient les mots encore plus fascinants. Elle les répéta à nouveau, comme si les dire lui permettait de les étudier sous tous les angles.
Un léger sourire aux lèvres, elle regarda Josué, et son sourire disparut aussi vite qu’il était arrivé. Tout à sa leçon, elle n’avait pas remarqué à quel point il avait blêmit. Son front était luisant de transpiration et ses yeux clairs voilés par la fièvre. La jeune fille jeta un coup d’œil aux mains de son vis-à-vis et remarqua les tâches rouges qui se déployaient comme des fleurs sur le bandage qu’elle avait posé la veille.

– Tu as des questions ?

La réponse ne se fit pas attendre.

- Oui.

Elle lui attrapa le poignet et lui leva le bras, de sorte à ce que ses doigts meurtris soient bien visibles.

- Tu comptais attendre encore longtemps avant de m’en parler ?

La jeune infirmière n’était pas spécialement contente. Non seulement, elle avait dû rater quelque chose pour qu’il se remette à saigner comme ça, mais en plus la situation s’était aggravée et visiblement le petit Français n’avait pas l’intention de lui en faire part.
Ôtant les bandages, Eleveira découvrit des chairs presque à vif et du sang à moitié coagulé collé autour des plaies. L’odeur âcre d’un début d’infection parvint aux narines de la demoiselle qui retroussa le nez, pas par dérangement mais par agacement.

- Bien, voilà qui ne va pas nous arranger.

Elle enleva totalement les bandages et alla les jeter dans un récipient qu’elle remplirait d’eau bouillante plus tard. Elle fit s’allonger Josué de sorte à ce que sa main blessée lui soit facilement accessible.

- Ne bouge pas.

C’était un ordre qui n’avait pas à être discuté. Se montrant encore plus autoritaire que d’habitude, Eleveira alla chercher de quoi nettoyer la main du garçon et la bander de nouveau. Elle prit soin de laver correctement les doigts bleuis et de désinfecter la blessure, puis lui enroula une bande de gaze propre autour de la main, serrant juste assez pour que le sang ne s’échappe pas. Ceci étant fait, elle s’éloigna vers un autre cabinet et en sortit une seringue ainsi qu’un petit flacon remplit d’un liquide transparent. Elle prépara son injection avec précision, chassa les éventuelles bulles d’air qui auraient pu se trouver dans l’aiguille, puis s’approcha de Josué. Elle était prête à le piquer sans rien dire, mais réalisa qu’il était peut-être préférable de lui fournir quelques explications.

- Pénicilline, dit-elle. Ca aidera ton corps à faire baisser la fièvre et combattre l’infection.

Puis, sans ajouter quoi que ce soit d’autre, elle lui planta l’aiguille dans le bras et lui injecta le liquide. Une fois fait, elle s’écarta et alla ranger ses affaires, remplit d’eau le bol dans lequel se trouvaient les bandages sales et le mit au-dessus d’un petit foyer qu’elle avait improvisé avec l’allumeur d’une lampe à pétrole cassée.
La jeune fille se débarrassa de ses gants sales, qu’elle mit également à bouillir, et revint s’asseoir face à Josué, bras croisés, l’air assez mécontente.

- Pourquoi est-ce que tu ne m’en as pas parlé tout de suite ? C’était idiot d’attendre aussi longtemps, vraiment idiot.





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MessageSujet: Re: La main dans le piège   La main dans le piège Icon_minitimeDim 5 Jan - 15:48



Même devant Lucifel, Josué ne prenait pas autant de soin à garder la tête basse. Tandis qu'Eleveira maintenait fermement son poignet, exhibant sans ménagement la plaie infectée comme s'il se fût agi de la preuve accablante de quelque délit, le garçon demeurait immobile et muet. Les questions de l'infirmière, lancées avec une dureté de maitresse d'école réprimandant un cancre fautif, n'obtenaient aucune réponse. Qu'aurait-il pu répondre. Dans son esprit, la scène s'apparentait réellement à une correction. Il failli même lâcher un : "Pardon, madame"...

L'avantage de cette perception, pas si déformée, était que Josué n'osait discuter aucune des décisions – comprenons, des ordres – émises par la Tigresse. Même lorsque son regard pâle rencontrait avec effroi les seringues que manipulait tranquillement Eleveira, même lorsqu'elle passait sur son entaille purulente ses doigts brusques, même lorsque des élancements aigus perçaient sa main, lui provoquant ainsi des rictus de douleur... Josué ne dit rien.

– Pénicilline. Ça aidera ton corps à faire baisser la fièvre et combattre l’infection.

La Grenouille hocha la tête alors que la redoutable aiguille s'immisçait dans sa chair. L'espace d'un instant, un élan de paranoïa étreignit son coeur. Il craignit brusquement que le liquide que l'infirmière nommait "pénicilline" ne fût en vérité qu'un poison effroyable qui ne ferait qu’accroitre son mal.
On ne savait rien d'Eleveira. Sa stature froide et distante ne permettait pas de deviner ce qui se nichait dans sa conscience. Ce dont elle était vraiment capable. Elle était comme ces créatures sauvages que l'on contemple de loin, qui demeurent dignes et paisibles mais dont on sait, au fond, qu'elles pourraient vous déchiqueter d'un coup de griffe. Eleveira avait peut-être, tout au fond d'elle-même, une bête féroce, qu'elle contenait, réprimait. Pour avoir l'avantage de la surprise. Peut-être qu'elle attendait le bon moment pour frapper.

– Pourquoi est-ce que tu ne m’en as pas parlé tout de suite ? C’était idiot d’attendre aussi longtemps, vraiment idiot.

Josué redressa la tête, mais son regard restait craintif, fuyant.

– Je ne sais pas. J'ai... eu peur.

Après un court silence hésitant, il consentit à extraire de sa bouche la question qui lui brûlait la langue :

– Tu n'as jamais peur, Eleveira ? On dirait que non. En fait... On... On dirait que tu ne ressens rien.

La Grenouille observa le bandage vierge qui recouvrait sa main enflée. Son crâne semblait déjà moins embrasé, sa pensée moins confuse. La perplexité qu'il ressentait face à l'attitude d'Eleveira, elle, était intacte.

– Je ne dis pas ça comme un reproche ou... une insulte. Je veux dire... Tout le monde a peur ici. Même Aïleen – ne lui dis pas que je t'ai dit ça –  même les grands. Mais toi, tu... C'est comme si rien ne t'atteint.

Il tourna la tête sur le côté, balayant du regard la succession de lits branlants qui occupaient l'infirmerie. Il repensa à son dortoir miteux, obscur, remplis d'enfants que l'angoisse et la violence avaient rendus brutaux. Il fut soudain saisi par sa fragilité, décuplée à présent, à la vulnérabilité à laquelle il s'exposerait en foulant la porte de ce qui lui faisait office de chambre. Cela lui donna envie de sortir quelque chose de lui-même, un trop plein, du vomi ou des larmes, peut-être des cris.
Dans un souffle raide, qu'il tâchait de maintenir un minimum ferme, il dit alors :

– Eleveira. Est-ce que tu me permettrais de rester dormir ici, ce soir ?

Peu à même de se fier à la générosité innée de la jeune fille, il ajouta :

– Je pourrais nettoyer ton matériel, laver les vitres, et resserrer les jointures des lits. Ils ont l'air bancals. S'il te plait.


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