La petite fille adossée au pommier soupira lentement, comme elle le faisait quand elle était triste. C’était le cas, en cet après-midi de décembre. Elle se laissa glisser le long du tronc étroit. Les arbres. Ah elle adorait les arbres, comme les fruits. C’était beau, bon. Et depuis qu’elle était arrivée là, c’était également devenu rare. Son travail lui plaisait tout de même... Elle étais très bien placée pour deviner la météo et sauver les plantes, de plus la nature alentour avait tout pour la combler... Pour cette raison, elle risquait de monter vite dans les rangs, la sauveuse de vivres sucrées... Le seul problème était la faim. Toujours présente, toujours pesante, laissant les ventres de nombreux orphelins gargouiller. Inhumain. Quoique, une notion abstraite n’est pas humaine, hm ? Et tous ces fruits juteux autour d’elle ne lui faisait que saliver. Son rang ne lui permettait pas grand chose, il fallait l’avouer. Elle mangeait la plus part du temps en dernier et les maigres restes qui lui restaient étaient en général malmenés par les autres orphelins... Si stupides, sadiques. Elle leur en voulait profondément de ne rien lui laisser. Elle finit assise au sol, le dos contre son pommier, dans la terre encore froide, les yeux rivés sur un point invisible. Il faisait froid. Hier il faisait chaud. Le temps était plus qu’aléatoire ici... Difficile de prévoir une récolte quand on ne sait pas ressentir ce que deviennent les courants d’air après vous avoir glacé le dos. Elle essayait de faire de son mieux... La royauté actuelle ne laissait rien passer. Elle se demanda un instant à quoi devait ressembler cet orphelinat lorsque les adultes le « gouvernaient » encore... Ça devait être plus... correct ? Du moins, si l’on retire un tas de fous furieux qui s’autoproclament enfants royaux. De toute manière, elle avait fini ce qu’elle avait à faire. Elle s’était occupée de tout, même de ranger ses outils. De toute manière, la nuit allait être chaude, le vent l’avait trahie. Petit à petit, elle ferma les yeux, se laissant aller dans la torpeur. Le sommeil. Elle était exténuée. Lentement, elle repensa aux événements, les faits qui l’ont fait venir se les geler ici. Enfance minaaaable. Pff...
Tu te souviens, Weather, quand tu étais petite ? Tu te cachais sur les toits malgré les interdictions de tes parents. A chaque punitions tu fuyais au parc, pour t’installer et lire dans les arbres, loin du sol. Tu as toujours aimé la hauteur. Peut être parce que tes parents étaient trop terre-à-terre ? Ils étaient tellement bêtes tes parents. Pitoyables. Il faut avoir un minimum de place dans son cœur avant d’adopter une petite fille... Visiblement eux, ils étaient plein à ras bord. Plein de bêtise oui ! Tu les méprisais, plus que tout. Pourquoi te mentaient-ils ? Tu étais bien assez grande pour connaître la vérité ! La preuve, tu l’a deviné, la vérité. Tes parents te traitent bien pourtant... Tu était plutôt comblée... Beaucoup moins que cette chère Dollie mais un minimum quand même ! Ah Dollie... Ta seule est meilleure amie. Vous aviez grandi ensemble et tu te rappelle de votre séparation comme si elle se passait encore sous tes yeux emplis de larmes...

Lundi 10 février, London’s Railway Station – 8H54
Ses parents trop riches, trop protecteurs, trop stupides... Que faisaient-ils... ? Ils te retiraient ton unique amie pour un « endroit plus sain ». C’est affreux. Tu aimerais la suivre plus que tout. Les attaques continues sur la capitale les ont convaincus de partir. Elle allait partir là, maintenant, et tout ce que tu trouva à faire c’était de la prendre dans tes bras.
Les deux petites filles brunes, dans une dernière étreinte, se dirent au revoir. Weather et Dollie. Sur le quai de gare. La plus grande âgée de treize ans à ce moment là, prit sa valise et entra dans la grande machine à vapeur, pour ne plus revenir à Londres que lorsque les bombardements cesseront. Les parents Edwin étaient un peu trop inquiets pour leur fille unique –contrairement à M. et Mme McFly qui, de toute manière, n’avaient pas prévu de bouger. Une larme solitaire vint rouler sur la joue rougie par le froid de la plus jeune. Elle ne l’essuya pas, la laissant ainsi couler le long de son visage mate. Une aventurière. Une éclaireuse qui donna le coup d’envoi à toutes les autres larmes de la petite. Triste et seule, voila ce qu’elle était à présent. Pour toute attention, son père lui donna une tape à l’arrière de la tête et la força à se dépêcher. Il allait pleuvoir, oui, comme à chaque fois que Weather pleurait.

C’est ce qui a tout déclenché.

Tu sais Weather, la vie vaut la peine d’être vécue quand on a quelqu’un avec qui la vivre n’est-ce pas ? Bien à ce moment là, la seule personne avec qui tu l’avais vécu, elle partait derrière un écran de fumée. Tu étais devenue une petite poupée de chiffon, sans vie, qui ne savais plus quoi faire de ses journée. Les paroles ne passaient quasiment plus le seuil de tes lèvres. Comme un enfant abattu par le décès d’un membre de sa famille. Puis quand le soleil est revenu, que tu as de nouveau fais attention aux mouvements de l’air, tu t’es mis à lire, beaucoup et tout le temps. C’était ta nouvelle occupation. Tu ne parlais définitivement plus, parfois même on se demandait si tu n’étais pas devenue muette. Mais non, tu chantais encore. Mais personne n’y avait droit. Tu te taisais quitte à te faire frapper. Les adultes qui ne te supportaient pas, les garçons plus que méchants, les fille qui ne t’acceptaient pas comme tu étais... Ça a été les pires moments de ta vie. Jusqu’à ce que tu prenne la décision de te défendre, avec les poings. Ah... Ils ne sont pas revenus te chercher après les coups que tu leur mettaient... Mais ça a tout changé. Plus personne ne te frappaient, ils t’engueulaient. Nuance ! Ça fait moins mal lorsqu’on fait la sourde oreille et qu’on ignore superbement les autres. Tu n’avais jamais eu vraiment d’amis... Là c’était encore pire, tu n’avais que des ennemis. Puis tu t’es fait renvoyer. Tu as continué à te cacher dans les arbres. Et puis les bombardement sont revenus. Plus bruyants, plus réguliers, plus dévastateurs...

Samedi 3 août, Londres, appartement McFly – 12H13
Les allemands ont recommencés depuis plusieurs mois. C’est la panique totale. La ville se pressait dans les gares, les bateaux, pour échapper à la peur en ville. Cette peur poisseuse qui vous colle à la peau et qui ne vous lâche que lorsque tout est fini. Impossible d’y échapper. Sauf que dans la tête des gens, le seul échappatoire : la campagne. N’importe quoi. La campagne aussi est touchée ! Toi Weather, la petite fille terrée dans sa chambre depuis plusieurs heures, tu tentais d’échapper à l’angoisse et au stress de ses parents. Depuis le début de la matinée, ils couraient dans tous les sens, complètement affolés, à la recherche d’un solution. Le seul mot que tu retins à travers les trop fines cloisons de son habitation fut «partir ». Loin. Mouis, la même idée que tout le monde quoi, déjà que tu n’avais pas une très haute estime de ses prétendus géniteurs, mais si en plus, ils jouaient les moutons, ça n’allait pas du tout lui plaire. Tu soupira. Le seul point positif, c’était que vous alliez peut être rejoindre Dollie et sa famille. Mais encore eu-t-il fallu que vous vous retrouviez au même endroit, ce qui est fort peu probable... Surtout qu’avec tout ce monde qui affluait de la ville, les verts pâturages étaient bien partis pour perdre leur belle couleur verte...

Puis enfin, la décision avait été prise, il fallait partir. Tu avais suivis le mouvement. Bien obligé, à douze ans, on ne peut que suivre et se taire, comme ce que demandait ce cher père, et ses questions débiles. Weather se tait, depuis février de toute manière. Tu t’étais enfui à la gare, pour t’amuser. Ça n’avais amusé que toi mais tu avais bien ri. Quand personne ne l’avait vu bien sur. Les rails avaient vu ton petit corps se rapprocher. Une catastrophe frôlée... Puis tu avais suivis tes parents en première classe, docilement, comme une grande. Le voyage avait très bien commencé ! La suite s’était légèrement gâtée...

Tu avais senti une secousse, rapide, qui n’avait même pas prit la seconde, mais tu l’avais bien senti. Personne ne semblait bouger, tes parents n’avaient pas bronché. Et soudain la grande détonation, les cris, le vide, le noir.

25 septembre 1941, chemin de fer au abords de la forêt de Cloverfield – 15H34
Lorsque la petite fille reprit connaissance, le monde autour d’elle tournait encore. Elle tendit le bras à la recherche d’un mur sur lequel elle pourrait se soutenir et, avec effroi, se rendit compte que sa main ne brassait que du vide. Sa paume descendit alors au sol et glissa le long de brins d’herbe. Dehors. Pourquoi était-elle dehors nom d’un chien ?! Elle ouvrit les yeux et passa en revue tout ce qui se trouvait autour d’elle : une forêt, des débris et... Des débris ?! Elle fit volte-face pour se retrouver nez à nez avec le train. Elle cligna des yeux, une fois, puis deux, puis trois fois, mais le spectacle qui s’offrait à sa vue était toujours aussi affreux. Le train avait été purement et simplement détruit. Elle ne savait pas par quoi, elle savait par qui. Paniquée, la petite brune ne leva en quatrième vitesse et accouru jusqu’à ce qui avait été son moyen de transport, quelques heures avant qu’elle ne se réveille. Elle cria, appelant ses parents. Perdue, voila ce qu’elle était. Aucune réponse ne parvint à ses oreilles, pourtant si fines. Aucun voyageur n’avait survécu ? La petite brunette de douze ans avait été touchée par la grâce de dieu ? C’était ce qu’elle pensait à l’instant, la brunette. D’un coup, elle s’arrêta net, et fit demi tour reprenant le silence qui l’avait quitté à cause de la panique.. Ses parents n’étaient plus, à ses yeux, le nom McFly lui était inutile désormais. Weather Nemo, tout court. Tant pis, elle sera forte, plus qu’elle ne l’a été jusqu’à ce jour et elle trouvera son chemin.

Ah oui... Ma chère Weather, le chemin tu l’a trouvé ! A quelques mètres de la forêt, un peu plus loin des rails... Et puis tu l’a suivi bien entendu. Et puis tu as trouvé un grand portail, envahit par la nature, si sauvage, dans cette partie du pays... Tu l’a ouvert, tu es entré, sans même te demander ce qui pouvait bien se passer après, comme attirée par la curiosité, la peur de retourner sur ses pas. Après on t’avait attrapé, des enfants du même âge que toi. Et puis tu vais atterris dans ce potager, à prévoir la météo pour les nuits prochaines. Quelle histoire mes aïeux. Ce n’était même pas là que tu voulais aller, tu voulais juste être tranquille, oublier ton passé...
La petite tête brune, cachée dans le verger, n’avait pas vu te temps défiler à force de rêvasser, elle s’était même assoupie. Là, c’était sûr, elle allait se faire taper sur les doigts... !