"Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose."



 
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 "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose."

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Alexiel Hargreaves

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Alexiel Hargreaves
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MessageSujet: "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose."   "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose." Icon_minitimeVen 18 Oct - 19:23




Alexiel avait toujours été un peu complexé par sa taille. C’était un fait qu’il ne divulguait pas et qu’il admettait à peine pour lui-même, aussi personne n’aurait pu deviner qu’une telle inhibition contrariait son égo. A part Malice peut-être, qui aimait à lui rappeler tant son physique de jeune éphèbe était de son goût. Mais Alexiel refoulait de telles pensées afin de s’épargner des frissons de répulsion.
Le fait de ne plus grandir, au-delà de l’aspect illogique et inexplicable d’une telle idée, l’avait perturbé. Parce qu’Alexiel n’aimait pas être traité comme un enfant. Il ne trouvait rien de réjouissant dans la jeunesse. Toutefois, être entouré d’enfants, ainsi tous égaux dans l’infériorité de l’âge, qui plus est sous le joug de son autorité, avait estompé cette sale impression jusqu’à lui faire oublier qu’il n’avait que douze ans et n’était pas bien imposant. Auprès de certains orphelins, ce sentiment sécuritaire était brusquement ébranlé – malmenant de ce fait son assurance indéfectible – comme c’était le cas avec l’illégitime comte Sheppard ou Ezechiel Haesen. Grands, indomptables, vicieux, ces gaillards faisaient peur à Alexiel sans que jamais – oh grand jamais ! – il ne s’autorisât à le concevoir vraiment. Son unique et précieux réconfort se trouvait dans sa position. Et donc dans son intelligence. Comme d’habitude.

Ce jour-là, Alexiel tâchait de fuir Malice qui avait manifestement décidé d’employer sa journée à le harceler de requêtes grotesques et plutôt vulgaires. Les réprimandes, les menaces et les châtiments, à l’inverse de le soumettre, semblaient échauffer le Valet davantage, et Alexiel ne savait plus quoi inventer pour se débarrasser de ce Paon bien envahissant.
S’extrayant de l’agitation ambiante autant que de la vue de Malice Ainsworth, Alexiel prit la direction de la verrière, un lieu frais et isolé qu’il affectionnait particulièrement pour ses deux vertus. Tout en humant distraitement le parfum des quelques fleurs entreposées près des vitrages, le Duc contempla l’extérieur de l’orphelinat, grouillant de garçons et de filles affairés à leurs tâches respectives. Un spectacle réjouissant pour l’aristocrate haut placé qu’il était.

Alexiel ne faisait aucune différence entre les divers marmots s’exposant à son regard. Les bruns, les roux, les blonds, les petits, les maigres, les gras, les fringants, les débiles… Aucun enfant n’était assez remarquable pour capter son regard, encore moins son intérêt. L’indifférence d’Alexiel allait de pair avec sa vivacité d’esprit. L’une complétait l’autre, influait sur l’autre, nourrissait l’autre. Et il en serait probablement toujours resté ainsi, si Poppy Songbird n’avait pas balayé de ses ailes parcheminées le petit monde strict et organisé qu’Alexiel Hargreaves aimait à voir tourner.

La fille, qui n’avait pas quinze ans, était tout ce que le Duc n’était pas. Sauvage, méprisante des usages, ses cheveux outrageusement longs et sales tombant comme un rideau devant son visage. Chasseuse, fauve, insensible au confort ou à l’élégance, comme si c’était là des valeurs futiles qui ne sauraient l’atteindre. Une aura singulière émanait de sa personne, un éclat différent brûlant dans ses pupilles. Une aura qui affectait trop Alexiel pour qu’il ne s’en alarmât pas.

Tandis que Clarence passait près de lui, de son pas sûr mais qu’Alexiel jugeait trop tranquille pour être exempt de nonchalance, il lui fit signe de s’arrêter et, pointant la silhouette de la jeune fille à travers la vitre, il demanda :

– Qui est-ce ?

Clarence lui répondit respectueusement, n’ajoutant aucun détail susceptible de l’éclairer à propos de cette orpheline que, intérieurement, Alexiel s’étonnait de ne pas avoir remarqué plus tôt.


Et soudain, ce regard. Poppy releva la tête comme un animal flairant d’être épié, dardant un regard embrasé sur lui. Alexiel écarquilla les yeux – enfin, l’œil – retenant son souffle malgré lui, ses doigts se crispèrent contre le pommeau de sa canne réduite. Troublé par les battements soudain emballés de son cœur d’ordinaire toujours égal, Alexiel fronça les sourcils sans détourner le regard. Une étrange et désagréable sensation venait de germer dans son ventre. Il n’aimait pas ça.

– Clarence ! héla-t-il avant de laisser au Valet le temps de disparaitre. Dites à cette Poppy de me rejoindre dans le Fumoir. Maintenant.




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MessageSujet: Re: "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose."   "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose." Icon_minitimeSam 19 Oct - 2:37


J'écouterais battre ton cœur...
Sur un tapis de cendres...


S'il existait bien une idée incapable de traverser ne serait-ce qu'un instant l'esprit du Papillon et ce même de manière fugace, c'était la possibilité d'être remarqué par un membre membre de l'Aristocratie. Le cas de figure n'était pas rassurant, plutôt synonyme de mauvaise nouvelle et, selon lui, porteur d'un mauvais avenir. Moins il les côtoyait, mieux il se portait. La plupart n’existaient d'ailleurs même pas à ses yeux autrement que par des noms murmurés au détour d'un couloir grinçant. Ces couples grotesques et innocemment constitués dans l'unique but de diriger lui laissait un arrière goût amer sur la langue. Couple signifiait en effet amour, partagé si possible. Pas une simple paire nommée pour le besoin de paraître...  Si les titres devaient aller par deux, La royauté aurait pu faire l'effort d'instaurer un autre système. L'adolescent n'avait peut-être qu'une vision partielle et sans-doute erronée de l'amour, mais trouvait cette hiérarchie de très mauvais goût d'un point de vu sentimental. Mais, comme il avait l'habitude de le dire, les affaires de la classe supérieur ne le regardaient et ne l'intéressaient pas.

Les Miséreux étaient bien les plus heureux en réalité, mais pas entre ces murs. Et les voilà à travailler dur comme jamais des enfants d'âges si jeune n'auraient dû le faire, pour les beaux yeux d'un gamin capricieux. Pitoyable. Le coquelicot partageait bien volontiers avec l'inconnu Duc cet avis sur leur croissance interrompue. Si se retrouver aîné d'un tripoté de gosses pouvait être plaisant un temps, l’infériorité face au monde entier se faisait rapidement aussi grimpante que du lierre. La sensation de se retrouver bloqué entre deux âges, deux stades de sa vie, celle de se poser sur des acquis sans parvenir à comprendre davantage un monde d'adulte qui avait fuit de leurs mains dès que le Sycophante avait jeté son dévolu sur eux... Ô bien entendu, il n'était pas totalement stupide quand au différentes choses de la vie. La violence, il la vivait ici au quotidien, dans les yeux des plus haut gradés. La mort, il l'avait rencontré à sa première chasse, sachant l'apprivoisé et la respecter sans cesser de la craindre. Le vaste monde ne se limitait pas évidemment à ces deux critères, et les nuances pourpres jetées comme de l'aquarelle sur ses joue aux mots trop inquisiteurs de Sheppard n'étaient pas le fruit du hasard. C'est tout à fait naturel, aurait sans doute dit La Mère pour le rassurer. A moins qu'elle ne se soit offusqué des premiers émois de sa « fille chérie ». Qu'importe. Elle n'était plus. Dans son esprit, elle était encore plus morte et enterrée que Elly.

Toujours est-il que ce jour là, alors que l'Automne avait fait ses premières entrées pluvieuses, la silhouette longiligne de Poppy s'affairait, courbée au sol, à tordre le coup à un lapin. Ils en élevaient quelques un en guise de repas pour les Orphelins. Selon le jeune Chasseur, un lièvre aurait été plus consistant mais les ordres étaient les ordres et il n'avait aujourd'hui pas la force de contester quoique ce soit. Pas de façon trop virulente en tout cas. Absorbé par la tâche qu'il effectuait sans la moindre réticence face aux craquements des os de l'adorable animal, le coquelicot ne perçu pas immédiatement la présence pesant sur ses épaules, là, dans les hautes sphères. C'est son instinct bestial qui se chargea bien de lui faire remarquer la chose, provoquant des picotements presque gênants sur la peau de son dos. Son regard s'était aussitôt redressé vers la fenêtre de laquelle il ne pouvait pas discerner grand chose, si ce n'était un ennuis en approche. Dire qu'il avait eu la naïveté d'espérer avoir la paix aujourd'hui. L'envie lui pris d'aller se lancer aussitôt à la recherche de la petite aveugle de Valentine, ou de Seth, son rejeton de substitution, mais c'est un jeune garçon qui vint mettre un bâton dans la roue de ses plans. Un Valet hein... Alors il avait vu plus ou moins juste. Ce jour marquerait donc sa première prise de bec réelle avec un Puissant... ? Allons voir...

Le papillon n'avait pas cillé à la demande, plantant là le pauvre messager pour se diriger d'un pas assuré vers la pièce indiquée. Le Fumoir. D’ordinaire, les petits gens de leur genre n'étaient pas autorisés à pénétrer en ces lieux sans y être invité, à moins d'un cas de force majeur. De plus, il savait la Propagande non loin, traînant tout près du vieux téléviseur ensorcelé. Par chance, la femme chèvre était la seule à trouver grâce à ses yeux parmi les filles de la Mère Monstre. Dieu merci... Se montrer au bord de la panique sous les yeux d'un Aristocrate ne faisait absolument pas partie de son programme. Il sentait en chemin la plume de corbeau nouée dans ses cheveux chatouiller son oreille. Sa crinière n'était pas tellement sale. Il avait pris le temps de baigner dans la rivière pas plus tard que la vielle. Mais les brindilles dans sa chevelure et la terre sur ses jambes ne faisaient qu'exacerber la négligence physique qu'il renvoyait, ce à sa plus grande satisfaction. Le voilà donc juste devant la porte du fumoir. Rien qu'aux gravures sur le bois du battant, l'endroit lui semblait presque trop luxueux pour qu'il y pose ses pieds boueux... Oh et puis après-tout, ne l'avait-on pas convié... ? Il espérait simplement ne pas tomber nez à nez avec le Prince. Ses pulsions d'étranglement manquaient encore de bride...

Mais ce ne fut pas Lucifel qui l'attendait, là, assit élégamment sur les fauteuil au tentures de soie rouge. Rouge comme leur trèfle. Rouge comme la royauté dépeinte par leur simple titre. Rouge comme leur sang aussi égal que les autres devant la souffrance et la mort. Birdy n'avait pas peur, d'aucune façon. Posant son unique œil visible sur celui qu'il avait vaguement reconnu comme étant le Duc, il le vilipenda de toute sa taille plus ou moins imposante pour un enfant de son âge. Il était femme, il était bête, papillon gris voletant autour de la Mangouste, venu agacer son petit monde parfait d'un simple battement d'aile. Quelque chose clochait avec ce gosse et la fleur rouge n'avait aucunement l'intention de se laisser impressionner par un cadet, fusse t-il supérieur à lui. Enfin un gosse... Celui-ci semblait différent, trop adulte dans son œil myosotis, trop calculateur et posé dans ses gestes digne d'un monarque. Il aurait eu une place sur le trône plus acceptable que cette furie de Lucifel. Mais il demeurait un ennemi potentiel et l'enfant sauvage doutait des raisons de sa présence ici. Inclinant la tête comme pour s'adresser au petit Seth, il laissa glisser nonchalamment glisser une bretelle de sa robe sur son épaule, nouveau détail venant troublé l'ordre impeccable des lieux.

« Ta raison de m'avoir interrompu dans mon travail... ? »

Plus froid ? A mourir d’hypothermie.


©cec
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Alexiel Hargreaves

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MessageSujet: Re: "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose."   "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose." Icon_minitimeLun 11 Nov - 20:11


Alexiel attendait. Son impatience ordinaire était voilée par l’espèce d’appréhension crispée qu’il éprouvait sans se l’avouer. C’est avec une hâte qu’il tâchait de rendre tranquille qu’il se dirigea vers le fumoir, son nid, ou plutôt son terrier. Alexiel aimait les pièces closes et ombragées, comme la mangouste appréciait ses galeries terreuses. Contrairement aux espèces d’herpestidés dont le totem du Duc avait été attitré, ce dernier était un solitaire exclusif. Quant à son rôle de mâle dominant, il n’avait rien de protecteur. Alexiel n’était pas de ceux qui hurleraient un cri d’alarme à la vue d’un prédateur. Il se savait à l’abri, et se moquait des autres petits mammifères grouillants qui jalonnaient la brousse de Cloverfield.  
Pour l’heure, cependant, ce n’était pas un rapace menaçant mais un papillon nocturne qu’Alexiel devait affronter. Et cette simple pensée – car ses pensées ne l’abusaient jamais, et on n’aurait pu l’entendre dire, par exemple « Mes mots ont dépassés ma pensée » tant de tels écarts ne lui étaient pas connus – le troubla. Encore. Il était troublé de penser qu’il songeait à un affrontement en se représentant le face à face qu’il s’apprêtait à avoir avec Poppy Songbird.
Voyons ! Il n’aurait rien à affronter ! Ce n’était qu’une fille, une pauvre fille crasseuse et incivilisée, qu’il aurait tôt fait de remettre à sa place ! Mais pourquoi, pourquoi diable tenait-il si férocement à la remettre à sa place ? La chasseuse n’avait fait preuve d’aucune indélicatesse à son égard. Elle ne l’avait même jamais approché. Il y avait juste… Il y avait ce regard.

Lui-même ne le comprenait pas encore, la sensation peinait à prendre un contour net en son esprit, mais ce regard lui était intolérable. Il ne le supportait pas. Il y vivait quelque chose de farouchement indocile, pas seulement sauvage, non, véritablement insoumis. Libre.

A nouveau, les doigts osseux du Duc se raidirent sur le pommeau de sa canne. Il pénétra dans la salle fastueuse que constituait le fumoir. Alexiel ne fumait guère, il trouvait cette occupation inutile du fait qu’elle ne savait que provoquer une réjouissance vague, et que la réjouissance se révélait un sentiment trop improductif pour qu’il trouvât grâce à ses yeux. Malgré cela, on ne pouvait nier qu’Alexiel appréciait le luxe, l’élégance opulente de l’élite qui avait toujours été son unique univers, et le fait de s’épancher en conversations prétendument élevées la cigarette au bec le séduisait plus qu’il n’aurait osé l’admettre.
Les rideaux étaient entièrement tirés, la luminosité de la pièce lui fit plisser l’œil. Il la trouvait agressive. Il s’en méfiait, comme si cette clarté risquait de le mettre en position de faiblesse face à Poppy. Pourtant, il savait qu’elle était un papillon de nuit. Il avait regardé.
A nouveau, frustration confuse. Pourquoi prenait-il la peine de s’intéresser au totem de la sauvageonne ? Il s’en moquait ! Il s’en moquait vraiment !
Ces emballements trop peu conventionnels – dans tous les sens du terme – évoquaient à son souvenir ses premiers émois à l’égard d’Alpha. Mais… Non, c’était différent. C’était différent.

– Toi ! lança-t-il à l’adresse d’un enfant pouilleux aux cheveux légèrement longs et qu’il savait vaguement avoir une sœur aveugle.

Il claqua des doigts en désignant d’un geste large les rideaux de velours épais, retroussés à chaque coin de la vaste fenêtre. L’enfant, rentrant les épaules la tête baissée, trotta vers cette dernière et se hâta de tirer de moitié les drapages. Alexiel, l’allure raide, s’assit au creux d’un fauteuil élégant, posant ses deux mains sur le pommeau de sa canne. Il ne regarda pas le garçon s’éclipser. Il tâchait de commander à son cœur de rester paisible, car allons, il n’y avait pas de raison de s’enflammer.

Un nerf s’actionna imperceptiblement en haut de sa joue gauche, à l’arrivée de Poppy Songbird. Elle était plus grande que ce que le Duc avait escompté. Première erreur de calcul.
Afin de ne pas mettre en valeur cet écart, il demeura assis, adressant un regard fixe, vaguement plissé, à l’étrange créature qui venait de pénétrer dans son terrier.

Alexiel refréna un rictus – laisser deviner sa nervosité n’aurait rien été de plus qu’une manifestation de faiblesse – à la vue de cette bretelle affranchie, mais il ne dit rien. D’ailleurs, pendant un moment somme toute plutôt long, il ne dit rien du tout. Y compris à la première mais non moins virulente remarque du Papillon.
Tap, tap, tap, ses doigts s’agitaient sur le sommet de sa canne. Il n’y avait rien d’outrageant dans la phrase de Poppy. Rien qui pût mériter qu’elle fût châtiée, remise à sa place. Rien de travers. Et pourtant, cette seule phrase, lancée comme on tire une flèche, provoqua instantanément une irritation vive dans le cœur d’Alexiel. Ses mots ne tremblaient pas, son regard ne cillait pas. Cette fille n’avait pas peur. Elle le méprisait. Oui, il le sentait, il le sentait bien ! Ce ton glacé, ces yeux statiques, cette posture presque digne dans sa férocité. Et cette bretelle, cette bretelle !

Alexiel se leva, lissant ses culottes bleu marine d’un mouvement sec, puis rajustant le trèfle rouge qui ornait son habit. On n’aurait pu trouver contraste plus éclatant entre deux êtres. Leur âge seul les colligeait.
La robe de Poppy était lâche, assombri par la crasse, souillée de boue, déchirée par endroits. Elle ne ressemblait pas aux miséreux qu’Alexiel avait l’habitude de croiser dans les rues anglaises, lorsqu’il vivait au manoir. Lorsqu’il vivait dans le vrai monde. Cette fille-là ne faisait pas de peine, elle n’inspirait même pas la répulsion. Encore autre chose. En vérité, tout tenait en cela. Cette fille était autre.

En comparaison, Alexiel paraissait encore plus guindé qu’à l’accoutumé. Souliers vernis, chaussettes de laine noires également remontées le long de ses mollets fluets, culottes impeccablement défripées, chemisier et veston ajustés. Même son nœud était parfaitement noué autour de son cou blanc.
Oui. Alexiel était encore enveloppé dans sa chrysalide d’apparat. Poppy, elle, s’en était émancipée. Elle était papillon. Serait-elle aussi éphémère ? Pour l’heure, Alexiel ne savait que voir qu’elle avait, sur lui, une longueur d’avance.

Lentement, il s’approcha de la fille et commença à lui tourner autour, décortiquant sa silhouette svelte mais solide de son œil perçant. Poppy aussi ne laissait apparaitre qu’un œil, et il était curieux de constater comme même ce point commun était dissemblable. Parce que, si elle avait voulu avoir deux yeux, elle aurait pu.
Tâtant, d’un geste machinal, les liens qui maintenant en place son cache-œil, Alexiel déclara, ignorant l’interrogation de Poppy :

– D’où viens-tu ? D’où vient cet accent bizarre ?

Se postant devant la fille, observant son corps de haut en bas, il ajouta d’un ton égal :

– C’est la première fois que je vois une fille vivre ainsi. Une fille habillée comme ça. Une fille pieds nus. Pourquoi rester pieds nus ? Il fait froid, aujourd’hui. C’est presque une journée d’hiver.

A Cloverfield, on ne disait pas « C’est l’hiver » ou « Le temps se refroidit », toute autre formule de ce genre. Car le temps était si changeant qu’en une nuit, un écart de dix, quinze degrés pouvait survenir sans prévenir. On ne parlait plus de saison.

– Je ne comprends pas, reprit le Duc en haussant les sourcils, et cette affirmation ne prenait en rien la forme de l’aveu d’un échec, mais tendait plutôt à révéler l’absurdité qui se dégageait des manières de cette sauvage. Absurdité qu’il refusait de laisser devenir intrigante. La fille n’était pas intéressante. Est-ce que c’est pour impressionner les autres ? Cherches-tu à te rendre intéressante ?

Alexiel planta son regard outremer dans celui, farouche, de Poppy.
Tap, tap, tap, ses doigts s’agitaient sur le sommet de sa canne.


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Poppy C. Songbird

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MessageSujet: Re: "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose."   "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose." Icon_minitimeMar 19 Nov - 2:47


J'écouterais battre ton cœur...
Sur un tapis de cendres...


Dire que Poppy était grande l'aurait très certainement plus flatté que ce que le papillon n'aurait bien voulu se l'avouer. Fut un temps et lors d'une première jeunesse à présent éclatée de cendre épaisse, il avait complexé sur se taille inférieure à celle d'Elliot, lancé dans un compétition amical avec le violoniste qui le dépassait à peine d'une tête. Maintenant que les choses étaient devenues ce qu'elles étaient, la fleur sauvagine dut admettre à quel point ce jeu était stupide. Aussi stupide que de laisser Elly lui coller une cigarette entre les lèvres. Le fou rire venu s'emparer de son aîné à sa crise de toux avait provoqué une telle rage honteuse qu'il avait refusé de le fréquenter à nouveau pendant presque trois jours.

L'anecdote avait quelque chose de plus stupidement inutile encore mais le sauvage n'en laissa rien transparaître sur les traits de son visage déjà limé par le grand air et la solitude. En arrivant dans la pièce, son impression première fut cette omniprésente opulence, ces rideaux fermés comme pour mieux exposer leur riches teintures, espérant un mot flatteur de la part d'un enfant que cette beauté de façade n'intéressait pas. Se vengeant d'un tel affront à leur soie veloutée, ils dévoraient consciencieusement la lumière originelles de la pièce, plongeant les deux bambins dans cette atmosphère suffocant qui seyait bien plus à l'un qu'à l'autre. Papillon de Nuit plus dans son vol éphémère que pour son goût de la nuit. Intérieurement, il bouillonnait, comme l’insecte inopportun rentré dans une maison éclairée, se cognant aux vitres qu'il pense être une porte de sortie. La vie l'avait doté d'un masque faciale pratiquement infaillible, mais le duc ne semblait pas être des derniers concernant les faux semblants. Pour la première fois depuis qu'il avait appris que son corps se retrouverait figer, Poppy commençait à s'inquiéter de l'avenir. De la discussion.

Pourtant il lui sembla capter du regard ce léger plie de lèvre – à moins qu'il n'ai rêvé ? - de ceux que l'on étouffe pour trahir son malaise. La fleur inclina la tête en retour, de quelques millimètres à peine mais assez pour faire bruisser ses mèches brunes que l'obscurité avait privé de reflets acajous. Alexiel aussi aurait pu éclore loin de ce décors sinistre. Un Camellia de taille respectable, pâle, aux pétales parfaitement symétriques. Cette fleur était signe de droiture, De pureté. Imperfection. Vague correspondance avec l'Aristocrate qu'il imaginait sans accroc, sans peine ni pitié vis à vis de l'indifférence. Une fleur que l'on expose volontiers en intérieur ou au jardin public, là où l'on puis s'extasier de son existence froide, parfaitement réglée à la floraison. Alexiel avait pour le moment tout du Camellia oui, la beauté amer, figée dans un masque de quotidien se devant de filer droit. Dans cette même optique, on aurait pu fantasmer un Poppy en Amaryllis, rouge vif à la floraison éclatante en fin d'hiver. L'orgueil, la fierté. Comparé au coquelicot qui n'était que l'ombre de la consolation, cette fleur avait du panache. Mais il demeurait fleur des champs, mauvaise herbe au bord des routes de terre, venant éclore de ci et de là quand l'envie le lui prenait. Une beauté différente, sauvage, envahissante, mais cent fois plus éphémère que celle du Camellia. Pouvait on choisir entre une vie sécurisée et bien rangée, sans accrocs ni pierres et une existence d'une courte mais brûlante intensité... ?

Pas de réponse. Alors les doigts claques en rythme sur la canne ridiculement infantilisée, l’œil unique cherche un prétexte, n'importe quoi pour hausser la voix, tenter d'assouvir cette instinct maniaque qui l'obsède tant. Mais dans son éternel opposition face à l'ordre, l'accusé n'a aucun crime à son actif, si ce n'est cette bretelle outrageusement provocante et oubliée là par la force de l'habitude. L'autre cherche la faille, le geste, la parole de trop pour lui accorder une punition digne de son acte. Mais la fleur n'a commis que pour délit d'exister, tout simplement. D'avoir croiser ce besoin de règle maladif et de ne pas cuir dans le même moule que les autres. Oh il n'était pas le seul ainsi, loin de là ! Il y avait Ezekiel, qui, malgré son dévouement effrayant pour le prince effrayait de son étrangeté la plupart des orphelins. Puis son comparse' Sheppard qui ne se privait d'ailleurs pas de mettre mal à l'aise l'éphémère en personne. Ed, sauvageon androgyne devenu bête de foire de part sa peau matifiée. Ces êtres hors du commun apportait cet air si particulier à Cloverfield, mais de tous ces cas notables, c'est lui que le Duc avait pris pour victime cet après-midi de presque hiver qui ne promettait pas de durer. Birdy n'était pas le plus dangereux – si on le mettait à côté de Sheppard ou Ezekiel par exemple – mais de loin le plus farouche face au moindre ordre qui n'avait pas été dicté par sa propre logique.

Enfin debout sur ses jambes qui avaient au moins le mérite d'aller par paire contrairement à son œil, Alexiel n'en paraissait que plus contrastant face à lui. Plus élégant, mieux habillé, d'une plus grande stature, plus froid, plus petit... Moins libre aussi, mais laissons le coquelicot jubiler de sa liberté. Il lui apparaissait clairement ici que jamais Alexiel n'irait poser un pied nu en forêt, ne sentirait jamais les brin d'herbes chatouiller ses chevilles, ne s'émerveillerait jamais des oiseaux de printemps ni ne danserait au grès des sylves. Il était peut-être au chaud en hiver, rassasié avant même d'avoir fin, heureux à sa manière, mais il n'était pas libre. Poppy non plus d'ailleurs. Pas totalement. Pas encore.  Il se contentait pour le moment de le forêt murmurant à son oreille, des arbres craquant pour lui des histoires vieilles d'un millier d'années, de la sève coulant dans ses veines, des oiseaux lui apprenant le nom de chaque fleurs. Et ces privilèges valaient à ses écarlates tout l'or et la notoriété du monde. Il n'était sans-doute aux yeux d'Alexiel qu'un misérable feu follet des bois.

Il laissait le jeune Aristocrate lui tourner autour sans même prendre la peine de se craquer la nuque pour le suivre d'un regard monotone. Tap, tap tap. Même le bruit de ses pas couplés à ceux de sa canne était d'une répétitivité mortelle. Tiens oui, il était borgne, il l'avait oublié dans un instant d'égarement. Mais in n'aurait jamais plaint ce gosse. Personne n'appréciait réellement d'être plaint et surtout pas un enfant de stature si adulte. Dans un pur réflexe, l'enfant sauvage eu envie de venir passer une main brusque mais se voulant rassurante dans les cheveux du petit qu'il dépassait non seulement de taille mais aussi certainement d'âge à en juger par cette bouille encore belle et bien jeune malgré cet air si sévère. Poppy n’obéissait pas aux adultes et encore moins à ses cadets. Ce gamin là n'aurait pas dû être ici, dévoré de faux semblants et d'attitudes qui n'avaient pas lieu d'être à son âge. Birdy qui méprisait la presque totalité des Aristocrate n'éprouvait encore pour celui ci qu'un vague attendrissement teinté d'amusement. Il lui rappelait ses lubies de gamin, à s'engoncer un temps dans les parfums et chaussures de maman avant de brusquement comprendre comme une révélation que cela ne lui convenait absolument pas. La différence demeurait peut-être au point de ce jour ci. Alexiel lui n'avait jamais eu la révélation escomptée en enserrant son petit cou des cravates de papa.

« Je viens de la Nouvelle Orléans, en Louisiane. C'est en Amérique. »

C'était devenu machinal. On lui avait bien souvent posé la question à son arrivé ici et même encore à la période des adultes. Peu bavard de nature, on s'étonnait d'autant plus de voir pointer son léger accent qui s'était amenuisé à force d'écoute, mais demeurait toujours bien présent. Son hôte maniait pour sa part l'accent anglais avec une perfection presque calculée. Comme le reste sans-doute, songea l'adolescent. L'androgyne s'était sentit obligé de justifier à nouveau ses origines. « C'est en Amérique ». Cela aurait pu être perçu comme une moquerie vis à vis de l’intelligence du Duc mais en vérité, bien peu d'orphelins lui ayant posé la question savaient ou se trouvait la Louisiane. Il avait donc pris pour habitude de rajouter ce détail à sa phrase mécanique. Il eu d'ailleurs un mouvement de recul presque agressif, révulsé par la façon dont le jaugeait l'enfant. On aurait dit qu'il observait un bout de viande grouillant d'insecte, un déchet ou simplement ce qu'il était : un être sans sexe à l'ossature saillante dont le corps n'achevait jamais sa invasion de complexes typiquement adolescent.

Si quelqu'un l'avait enserré d'une étreinte rassurante, avait murmurer à son cou « Tu n'es pas laid mon Poppy », il aurait pu y croire. Mais on lui avait enlevé ce droit dans un vacarme de morts et de poussière. Son poings s'était serré à cette idée et il manqua de gronder sur le Duc, de lui ordonner d'aller poser son œil ailleurs, avant de se souvenir qu'il n'y était pour rien. Non, il était simplement là avec ses questions idiotes et si peu naturelles... Pourquoi se focaliser à ce point sur une simple enveloppe corporelle ?! Lui demandait-il, lui, la raison de ce cache œil, la raison de cet habillement trop bien repassé pour être honnête ?! Diable non ! Alors d'une voix amer et plus grave qu'il ne l'aurait voulu.

« Il est pourtant plus simple de vivre pieds-nus. A force, on ne sent même plus ce qui se loge en dessous. Entant qu'Aristocrate, tu dois bien savoir que je suis Chasseur. Chacun dans son monde et tout ira pour le mieux, n'est-ce pas... »

Regard écarlate d'indignation à l'appuie, il était préférable de ne pas continuer sur ce terrain. Autre détail venant gratter les tréfonds de son esprit. De ces détails qu'Elliot lui avait souvent répété en riant de bon cœur sans qu'il n'en comprenne la raison.

« Et je ne suis pas une fille. »

Nouveau silence dans la pièce tamisée. La fleur sauvage avait croisé les bras sur sa poitrine inexistante, faisant peser sur l'enfant un regard lourd de sens et presque aussi sévère que celui d'un adulte. Non, il n'y était pour rien. Après-tout il ne pouvait pas savoir, et lui-même l'ignorait dans un sens. Dans le fond, ses mots avaient quelque chose d'amusant. Ceux d'un enfant qui ne comprend pas un événement nouveau se déroulant sous ses yeux, qui tente d'en assimiler les faits sans les discerner réellement. Cette idée fit naître un... Sourire, sur les lèvres de Poppy, comme cela était d'une rareté assez conséquente pour que l'acte soit notable. Ce genre de sourire en coin, pas réellement hypocrite ni condescendant. Un simple sourire flottant sur des lèvres pourprées. A chaque fois qu'il avait lancé ce semi rictus d'affection teintée d'amusement, on l'avait pris comme le plus terrible des affront. Alors Poppy avait simplement cessé de sourire. Cette fois ne serait certainement pas différente, plus maintenant qu'une main arachnéenne s'était posé avec grâce en dessous du menton du petit, le soulevant légèrement pour qu'il puisse croiser son regard d'Amaryllis.

« De toute évidence, tu ne connais pas grand chose, petit garçon... »

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Alexiel Hargreaves

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MessageSujet: Re: "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose."   "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose." Icon_minitimeDim 5 Jan - 18:11



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– Je sais où se trouve la Louisiane, répliqua le Duc en papillonnant des cils d'un air légèrement suffisant. C'est bien là-bas que se situent ces vastes étendues de marécages grouillantes de moustiques.

Il fut saisi par la hargne contenue qui suintait de ses propres propos, de son ton aussi. D'ordinaire, il ne prenait pas la peine de s'abaisser à de telles mesquineries, de laisser entrevoir si ostensiblement un dédain rageur et trop intense. C'était petit, c'était bas, ce n'était pas digne. Pas digne de lui.

Poppy rebondissait farouchement sur chacune de ses phrases, insecte indocile esquivant les papiers tue-mouches suspendus méticuleusement aux murs par Alexiel Hargreaves. Il n'y avait pas de malice dans ces réponses, pas même un semblant de revanche orgueilleuse, mais le Duc semblait y percevoir une pointe de satisfaction, qui d'agaçante se muait en intolérable.

« Chacun dans son monde et tout ira pour le mieux, n'est-ce pas... »
Les sourcils d'Alexiel, si fins qu'ils semblaient presque calligraphiés sur sa peau, se froncèrent gravement à cette remarque. Par un fait exprès ou non, le Papillon tendait sans cesse à révéler la faille dans le raisonnement du Duc. C'était lui qui avait voulu que Poppy fût là. Lui qui avait demandé, exigé qu'elle pénétrât dans son monde. La Chasseuse, elle, s'en moquait bien. Alexiel s'empêtrait dans ses propres observations, s'immergeant de minute en minute dans les sables mouvants qui avaient élu domicile sous son crâne. Il se sentait bête, faible, rattrapé à son propre jeu. Pourquoi lui, lui qui rejetait avec un mépris noble et infus la vermine populaire, pourquoi avait-il voulu faire venir Poppy à lui ? Pourquoi cette phrase, avec laquelle il n'aurait pu s'accorder davantage pourtant, ne se vérifiait pas à l'instant présent ?
Tout ceci était si perturbant qu'il sentait sa réflexion vaciller, prise de vertige.

C'est ainsi que le « Et je ne suis pas une fille. » de Poppy Songbird résonna comme un coup de grâce aux oreilles du Duc flageolant. Son oeil unique s'agrandit, ses traits délicats se figèrent, son corps se raidit. On n'aurait su trouver illustration plus parfaite du concept de pétrification.
Dans un réflexe instinctif et douloureusement incontrôlable, Alexiel avait baissé les yeux en direction de l'entrejambe voilée de Poppy. Réflexe superflu par ailleurs, que s'attendait-il donc à voir ? Il se sentait piégé. Son effarement, son trouble étaient désormais manifestes, trahis par son allure raide et son regard trop vif.

L'achevant d'avantage, la main brune de Poppy vint se poser sur le blanc frigide de sa propre peau, accordant son geste outrecuidant d'une ultime phrase acérée. Alexiel sentit une brusque bouffée –  chaude ou glaciale, il n'aurait su le dire –  remonter de son coeur à sa cervelle, affaissant les traits de son visage et ébranlant sa stature. L'instant se prolongea quelques secondes, le bleu abyssal affrontant le rouge ardent.
Puis...

– Ne me touche pas !

Il repoussa le bras de Poppy avec une brusquerie fort loin de la suffisance tranquille qu'on lui connaissait. Son geste fut d'ailleurs si violent qu'il chancela légèrement sous le coup, lorgnant avec hargne le visage insupportablement paisible du Papillon.
Reculant de quelques pas imprécis, Alexiel laissa tomber sa canne qui percuta le sol avec un bruit résonnant, trop résonnant, et qu'il laissa choir inerte à ses pieds. Il ne la ramasserait pas. Pas la peine d'aggraver l'allure gauche et engourdie qu'il reflétait malgré lui. Comme s'il se trouvait à présent victime d'un miroir déformant. Il se détestait, là.

– Tu te crois certainement bien maligne... malin, de m'avoir dupé. Sache que je ne m'intéresse simplement pas assez à ton cas pour avoir pris le temps de me faire une impression précise de ta petite personne.

Il renvoyait l'injure, accentuant minutieusement le "petite".
Être ainsi rajusté, rattrapé, replacé dans sa condition infantile lui faisait l'effet d'une brûlure. Alexiel rejeta une mèche de cheveux rebelle en arrière, glissant furtivement sa langue sur ses lèvres arides. Désireux de dissimuler l'ébranlement qui l'assaillait de toutes parts, le Duc finit par s'éloigner de son gré pour se poser sur le sofa. Il jeta un oeil fugace à l'adresse de sa canne abandonnée, et comme s'il ne savait pas bien quoi faire de ses mains, il joignit ses doigts sur ses genoux.

– Tu n'es pas sans savoir qu'au-delà d'être un petit garçon, je suis également Duc. Et pas seulement à Cloverfield ! Je suis héritier d'une des plus prestigieuses familles d'Angleterre. Je suppose que l'Artistocratie demeure une notion vague à tes yeux, car vous les Américains n'en connaissez pas les valeurs. Vous avez préféré accueillir les pouilleux qui salissaient notre nation afin de fournir votre populace. Bref. Par bien des façons, je te suis ainsi supérieur.

Il y avait quelque chose de dramatiquement cocasse dans la tentative effrénée d'Alexiel à prouver sa primauté, son ascendance. Plaquant à nouveau sa main blême contre son cache-oeil, il toussota légèrement.

– Tu me dois respect et obéissance. C'est ainsi. Tu peux te promener débraillé, entretenir cette espèce de... d’ambiguïté, – il n'aimait pas le mot "ambiguïté" qui sonnait trop intrigant, trop captivant pour le message qu'il semblait transmettre – mais tu es quand même un rang 5. Ce n'est pas grand chose, même toi tu dois le savoir.

Il marqua un temps, le temps de laisser ses paroles infiltrer la pensée de Poppy.
Il poursuivit, d'un ton expressément désinvolte :

– En quoi consiste ta tâche ? En tant que Chasseur, j'entends. Es-tu en mesure, si je l'exige, de me dénicher quelque proie et de me l'apporter personnellement ?

Le petit jeu avec commencé. Puéril, mais enrobé d'un arôme inconnu des enfants. Un parfum grave, obscur, implicite. L'issu n'en serait que plus incertaine.




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Poppy C. Songbird

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MessageSujet: Re: "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose."   "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose." Icon_minitimeVen 10 Jan - 3:21


J'écouterais battre ton cœur...
Sur un tapis de cendres...


Perturbé le gamin de marbre froid, tout à coup bousculé dans son monde en polygones invariables. Perturbant l'androgyne terreux, venu balayé un monde inébranlable aussi simplement que s'il eut été fait de poussière. La poussière. On en connaissait un rayon sur le sujet à Cloverfield, tant les lieux semblaient d'eux-mêmes avoir déjà fait la guerre. Même dans cette pièce d'un soit-disant bon goût planait cette atmosphère de vieillerie moribonde. Le rideaux de lourdes tentures pourprés n'avaient pas si bonne mine, comme avalé par un monstre glouton portant le nom de « Temps qui Passe ». Demoiselle Songbird n'était pas à son aise ici. Justement parce que le passé semblait avoir repris un droit certain sur le mobilier stagnant. Dehors, le monde était en perpétuel évolution et ce au fil des saisons. La nature fanait, revenait plus éclatante encore, quoique le voile de nostalgie semblait avoir élu domicile y compris dans ces bois là. Alors... N'y avait-il donc plus place au changement ? Mais il y avait autre chose qui n'évoluait pas ici. Un quelconque papillon aux ailes bleus éclatantes, barricadé dans sa chrysalide pour fuir un monde laissant trop de place à l'imprévu. Alexiel.

Cet aristocrate miniature aux allures de grand seigneur. Trop pour son âge. Trop pour sa vérité. La nature ne l'avait pas doté de jambe si courtes et d'une stature si frêle pour lui offrir en échange le port de tête irréprochable d'un Roi. Mas déjà. Pas si tôt enfin ! Il s'en était affublé seul. Quel bonheur de constater une expression sur ce visage là ? Enfin bonheur. Point trop n'en faut, ne lui en accordons pas tant. Pas lorsqu'il énonce des origines d'un ton si dédaigneux, encore trop prude pour tenir du serpent, déjà bien assez hautain pour se fantasmer roi de la jungle. De quel droit ? Qu'importe le rang et la richesse, dénigrer une contrée natale, même derrière un sous entendu si perfide, c'est inacceptable. Le Coquelicot abaissa un peu plus son regard sur le rongeur à la rancœur facile. L'obscurité de l'endroit dissimulait certes ses reflets amarante, mais pas les instinct de chasseur tapis au fond de ses prunelles inexorables. La main du Chasseur avait dérivé, déviée par celle du piètre Duc qui déjà, s'agitait comme le trop joli papillon piégé sous un bocal. Poppy ne tenait pourtant pas ici le rôle de la prison. Il n'était que l'éphémère de nuit. Celui que l'on ne désirait nullement capturer. Les couleurs vives étaient une malédiction dans ce jardin. Finalement, le bocal n'était que la situation dans laquelle le fier garçonnet s'était lui-même embourbé en le faisant monter ici.

Mais Birdy avait suffisamment pris exemple sur les arbres et leur tronc pour ne pas chanceler, restant  aussi droit que possible sans cesser de le jauger. Si encore l'enfant avait eu une bonne raison de le gifler, l'archer aurait pu mettre sa main au feu qu'il ne s'en serait pas privé. Mais voilà, le fait était qu'Alexiel ne pouvait rien lui reprocher, qu'il enrageait dans son cocon pour une raison qui échappait totalement à l'aîné, mais qu'il n'avait pas de raison suffisante pour appliquer sa justice. Poppy ne lui ferait pas ce plaisir. La canne s'écrasa au sol dans un bruit sourd, comme le symbole de la maturité qui, lui-même, vient à en quitter le jeune Duc alors revenu à l'état de bambin devant le désarroi. Elle demeure à terre, l'autre n'ose pas. Sauvons les apparences. Qu'il abandonne donc sa peau d'adulte ici. Elle ne lui seyait pas. Pas plus qu'à Birdy en vérité. Lui qui se composait sans cesse ce visage impassible en toute circonstances pour paraître plus vieux qu'il ne l'était réellement. Ça ne valait pas bien mieux qu'une canne. Mais le sauvage, en revanche, ne se permettait pas d'entrer de lui-même sur les terrains pentus sans qu'on ne l'y ai invité en premier lieu. Prenait-il donc tant de plaisir que cela à dénigrer autrui... ? Et il prétendait son éducation meilleure ?! Qu'on le laisse rire pour une fois.

Ce ne fut pas tant la remarque sur ses origines qui aggrava l'état d’agacement déjà frottement avancé de la Fleur des champs. Sa patience fort limité avait été suffisamment mise à rude épreuve. Loin d'être patriotique, il se faisait porte parole des forêts plus que son pays lui-même. Ce fut la réflexion de trop quand aux origines nobles que le cadet semblait adorer étaler qui acheva de l'emporter. L'emportement, dans le cas de Poppy, ne se traduisait pas par un crise de colère monstrueuse, ni même pas le moindre cris. Il haussait à peine le ton, comme s'il n'avait pas besoin de plus. Le rayon qui filtrait par l'espace laissé entre les rideaux noya son regard de cette lueur bien insolente, fureur dansante entre deux flammes. Il plissa les yeux, acérant davantage son expression austère. Il n'en fallait pas plus à l'adolescent pour exprimer son mécontentement sur le sujet, jaugeant le petit prince d'un air à glacer les sang. Sa voix grave raisonna alors presque comme les coups d'une pendule, ébranlant la montagne de remontrances.

« Grand bien t'en fasse. Formidable. Et alors... ? »

Qu'il accentue les mots, qu'il tente de l’impressionner, Birdy n'en avait que faire. C'était grotesque, à grogner. A vouloir se noyer dans le ruisseau pour ne plus entendre cela. Cet enfant ! Cet enfant qui parlait comme si le titre de Duc lui avait réellement été offert ! Comme si cela n'avait pas été un jeu ! Mais il s'agissait pourtant bien de cela. Un jeu. Oh s'il avait su... S'il avait su que celui qui dénigrait avec tant de virulence était lui-même issu d'une famille tout à fait aisée, qu'il avait en face de lui un être ayant connaissance de chaque bonne manière, ayant bénéficier d'excellents professeurs... Tout ceci ne représentait rien devant le fait accomplie. La réalité des choses. Le destin avait sans doute mis Poppy sur le chemin du Duc pour lui rappeler cela. A moins qu'il n'ai voulu démontrer quelques preuves obscures au Coquelicot.

« Qu'est-ce que cela peut-il bien changer à notre situation. Duc ou Chasseur, fils de bonne famille ou pas, nous sommes tous dans le même bateau. Ce n'est pas parce que vous avez griffonné votre nom sur une feuille et lui avait donné l'appellation de hiérarchie que cela change quoique ce soit à notre situation. Nous sommes tous ici, dans une réalité que nous ne connaissons pas, entourés de créatures qui n'ont pas lieux d'être. »

Il n'avait cessé de l'observer, ses écarlates braquées sur lui tout le discours durant. Il n'en avait pas fini. Loin de là. Alexiel devait affronter la réalité des choses. C'était ainsi et pas autrement. Il était le mieux placé pour le savoir, non ? Alors pourquoi l'ignorer délibérément. La Fleur s'approcha à peine plus, ramassant la canne. Elle ne lui donnait pas la stature désirée. L'accessoire, de toute façon, n'avait pas été taillé pour sa personne et se trouvait être bien trop court. Ou peut-être n'avait-il simplement pas l'aura nécessaire pour rendre la chose plus crédible.

« Plus encore. Nous sommes tous susceptibles de mourir. La Mort ne fait grand cas des situations sociales. Qui plus est, elle est la seule à m'être supérieur. Elle est supérieur à tout ce qui existe. »

Autre fait avéré mais qu'il jugeait bon de rappeler à ce petit Seigneur. Qu'il redescende sur Terre, dans la boue, à se traîner comme eux autres. Était-ce donc la plus grande crainte de l'Aristocrate ? Admettre un jour qu'ils partageaient le même monde ? Qu'il n'était ni supérieur ni même différents d'eux... ? Car la révélation ne se ferait pas attendre. Un jour, ce jeu aux airs de régime macabre prendrait fin. Pour le plus grand bonheur de certains. Au malheur des autres. Qu'adviendrait-il du petit borgne ce jour là ? Quelle raison aurait-il de vivre puisque la feuille de papier le proclamant supérieur ne serait plus à prendre en compte... ? Birdy attendrait en bas de son piédestal ce jour là. Il le regarderait s'écrouler, lui et Lucifel, avant de danser sous leurs cendres. Il en avait été incapable sous celles d'Elliot.
D'un pas vif, l'adolescent s'approcha du fauteuil, levant une jambe terreuse pour s'appuyer sur le rebord, la canne en main en guise de piètre menace. Le morceau de bois narguait Alexiel, brandit devant lui comme pour l'empêcher de répliquer à cette présence trop proche. Trop impertinente.

« Alors, jeune homme, je ne suis pas là pour m'abaisser à qui que ce soit, y compris les enfants pleurnichards et assistés dans ton genre et celui de Lucifel. Tout ceci n'est qu'une lutte de survie. Penses tu donc pouvoir préserver ton existence si même t'habiller seul le matin t'es impossible ? Si c'est un destin réglé comme une partition dont tu rêve, ça te regarde. Mais ne fait pas de tes désires une généralité pour ton entourage. C'est triste. Morne, et triste. »

L'androgyne parlait ici en sa qualité d'aîné, comme l'aurait fait un frère réprimandant son cadet. Impitoyable garçonnet des bois. Qu'on soit capable de suivre sa cadence, ou que l'on tombe en chemin. Exigeant, égoïste. La vie ne t'as pas arrangé Poppy. S'afficher comme adulte en ces lieux était bien imprudent, mais que voulez vous. Ils avaient tout deux leur propre façon d’appréhender la chose. L'un agissait comme l'aurait fait papa. Impeccable, le regard froid et assuré d'un homme à qui tout doit réussir sous peine de déshonneur. En vérité, l'expression sir mûre plaquée sur ce visage poupin, il semblait surtout s'ennuyer au plus profond de lui même. Poppy avait symbolisé la chose de façon plus cartésienne, aussi bien dans l'attitude à avoir que dans les épreuves à accomplir. Dans tout les cas, l'expression ne lui seyait pas mieux qu'à Alexiel, là était bien leur points communs. L'espace d'une seconde, le Papillon songea qu'il serait agréable de voir un sourire fleurir sur ce visage si fermé, avant de laisser voguer ailleurs ses rêveries. La canne dans sa main tourna entre ses doigts avant qu'il ne la tende de nouveau à son propriétaire originel, attendant un instant que ce dernier se saisisse de son bien. L'aîné inclina la tête à la question, geste dont-il avait fait une habitude.

« Ne le sais-tu donc pas ? C'est pourtant ainsi que tu as le privilège d'être nourrie chaque jour. Ce n'est pas le cas de tout le monde ici. »

Ne s'était-il pas venté d'être Aristocrate... ? Entant que bon garant des fonctions attribuées dans l'Orphelinat, admettre qu'il ignorait en quoi consistait l'une de ces tâches avait de quoi ternir sa toute puissance. Du point de vu de Poppy, en tout cas. C'est on froncement de sourcils qui fut charger de traduire son ressentit vis à vis de l’exigence encore informulée. Si ce mioche ne supportait pas la simple vu de sa bretelle indomptable, pourquoi lui demander expressément de se soumettre à son service le temps d'une chasse... ? Mioche, oui. L'Enfant sauvage n'avait pas plus de considération pour ce morveux pédant au possible. Sous le coup de la colère très certainement. Au fond, derrière l'un des arbres de sa forêt intérieur, il comprenait bel et bien le besoin de chaque enfant en ces lieux de s'accrocher à un repère. Pour ne pas sombrer, pour ne pas se noyer dans les limbes de la folie. Dans le cas du petit borgne, l'ordre et l’éducation donnée tout au long de sa bien jeune vie. Dans le cas d'autres bambins, plus névrosés... Sheppard semblait avoir depuis longtemps perdu pieds, quand à Lucifel... La simple idée qu'il ne soit que puits de démence suffisait à Birdy pour se détourner de cette idée. Qui donc en ce bas monde puisse se montrer capable de n'être constitué que d'horreur... ? N'oublie pas que, toi aussi, tu as manqué d'atteindre la folie. Et Poppy baissa les yeux, secrètement vaincu par sa voix intérieure.

« Si d'aventure tu me réclamais un canard sauvage, je grimperait tout en haut des branches du plus grand arbre des bois pour l'atteindre d'une flèche. Si tu me demandais par caprice un chevreuil, je resterais tapis dans les fourrés des heures durant en attendant sa venu. Si tu avais envie de t'essayer au sanglier, je ferais de mon mieux pour esquiver ses défenses. »

Pour un observateur attentif, son ton de voix s'était nettement enhardi à cette simple supposition de sortie nouvelle. Disons simplement que ses propos paraissaient moins monocordes que d'ordinaire. Conscient de son léger emportement, il renfrogna à nouveau son visage, ses iris redevenus acajou, vaguement teintés de reflets plus clairs. L'écarlate s'en était allé rejoindre les rayons du dehors. Il jugea alors bon d'ajouter, croisant les bras comme pour appuyer ses dires d'un air plus sévère. Il n'avait pas apporté son arc en guise de preuve, mais glissa finalement ses doigts pour effleurer la plume de corbeau nouée dans ses cheveux.

« Mais tout ça, je ne le ferais pas pour toi. Pas parce que « tu l'exige » . Je le ferais pour ma propre fierté. Parce que c'est la vie que je me suis choisis. »

Alexiel connaissait-il seulement la notion de choix... ? Poppy commençait à en douter.

« Et toi ? A tu donc choisis de te laisser entretenir par les autres ? »

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Alexiel Hargreaves

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MessageSujet: Re: "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose."   "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose." Icon_minitimeJeu 23 Jan - 18:11



Il était étrange de constater à quel point le Papillon s'exprimait bien, les mots enveloppés d'une sorte d'honneur sobre qui contrastait avec la fierté mal placée dont faisait preuve Alexiel. Poppy était digne. Même avec cette allure encrassée, cette parure inappropriée, même avec toute cette loufoquerie qu'Alexiel jugeait malsaine, même avec tout ça, le fait est que Poppy Songbird parvenait à conserver un port digne. Une noblesse de l'âme. Peut-être était-ce cela, finalement, qui importunait tant le Duc.

Son oeil, unique mais aiguisé, jaugeait l'autre sans ciller, tandis qu'une barre douloureuse investissait le sommet de ses sourcils. Froncés, toujours. Le regard suivait lentement, intensément, le geste mesuré de Poppy tandis que le... la... tandis que cette créature s'emparait de sa canne. Sans toutefois la lui rendre.
Un infime sourire frémit aux commissures des lèvres d'Alexiel, alors qu'il observait à quel point l'objet seyait mal à posture de Poppy. Manque de prestance, manque de contenance. Il n'avait pas l'attitude adéquate. Pourtant... Le sourire s'évanouit lorsque l'évidence contraire lui vint à l'esprit, à savoir que la raison pour laquelle la canne ne convenait pas au sauvageon tenait en l'idée qu'elle était trop petite pour lui. Il n'avait même pas l'air grand. C'était la canne qui avait l'air minuscule, étriquée, vulgaire même. Cheap. On aurait dit... un jouet. Une fausse canne témoin d'un faux éclat. Quel enfoiré, quel enfoiré !
Un frisson parcourut l'échine du Duc, un tic agita sa paupière. Il ne rétorquait même pas face aux propos de Poppy, qui commençaient seulement à émerger de la bienséance.

La référence à la Mort lui fit hausser un sourcil – rassurant de constater qu'ils ne s'étaient pas figés –, il la jugeait inopportune et agressive. Pourquoi parlait-elle, il – bon sang – de la Mort ?? Pour lui faire peur ? Pour exhiber l'adage populaire qui voulait qu'empereur ou miséreux, on fût tous égaux devant l'agonie ? Pour le remettre à sa place, comme il semblait s'employer à le faire avec parcimonie, sans déborder, sans craquer ?? Allez Poppy, dis-moi ce que tu as au fond du coeur, dis-le pour de vrai !

La posture du Chasseur était incommode et sale. Alexiel voyait la boue qui enrobait sa peau brunie. La courbe de ses doigts tripotant sa canne avec une aisance outrageante l'agaçait au plus haut point. Cela ne faisait que renforcer l'irritation éprouvée aux mots du Papillon, et accroissait le contraste entre la rigidité de l'un et la souplesse – nous ne parlons pas là que de l'aspect corporel – de l'autre.
Alexiel patienta, presque docile sinon respectueux, le temps que Poppy eût achevé sa tirade. Ses propos étaient plus musclés, plus intenses. Alexiel se leva, s'emparant de sa canne d'un geste sec. Il se sentait tellement raide que même le fait de remuer ses doigts lui faisait mal.

– Le fait est qu'ici, nous ne sommes pas égaux devant la Mort ! répliqua-t-il d'une voix un peu trop véhémente. Le fait est que les gens de ton espèce sont bien plus susceptibles de la toucher de près que moi. Surtout en ces murs. Car ici, comme tu le dis, la Mort n'est pas la Mort, le Temps n'a pas de sens et notre sort ne dépend que d'elles. Tu vois bien de qui je parle, n'est-ce pas ? Elles seules décident de ce qu'il adviendra de nous. De toi. Et en tant que Duc, je suis bien mieux préservé de leur atteinte que ceux qui grouillent dans la boue et la soumission, ceux que tu sembles estimer par-dessus tout. Prétendre que pauvres et riches sont égaux est une utopie, une bêtise ! Personne n'est égal ! Ni même devant la Mort. Ni même ici.

Il s'éparpillait. Il y avait trop de choses sur quoi rebondir. On avait surpassé la provocation simple, stérile, il y avait quelque chose de débattu, d'important, un choc des titans qui s'affrontent, non seulement pour ébranler l'autre, mais surtout pour garder son propre équilibre.

– Tu ne sais rien de moi, Songbird ! Tu te vantes secrètement de dépasser les dictats, les logiques et les lois, tu te crois en dehors des normes et des présupposés ? Mais tu ne vaux guère mieux que moi ! Tu considères la haute sphère comme une tripotée de gens dépendants et pompeux, artificiels, mais tu ne les connais pas ! Tu ignores par exemple que Lucifel est devenu proche d'un morveux juif de rang sept, tu ignores que personne, personne, ne m'habille, ni ne m'assiste dans quelque situation que ce soit, parce que je le refuse de toute ma volonté !

Un petit jet de salive s'était échappé de ses lèvres tandis qu'il s'emportait, le rouge aux joues, le souffle raide. Un goût amer, âpre, rappait sa langue.

– Tu es utile, certes. Chacun a sa place, son rang. C'est l'organisation. Elle est nécessaire. Je l'ai en partie érigée. Sans cela, nous aurions certainement erré dans les couloirs infestés de cet orphelinat en s'entredévorant pour survivre. Sans nous, les Remords et leurs mères nous auraient dépecés depuis longtemps.

Essoufflé, la voie vaguement brisée, Alexiel examinait la silhouette stoïque de Poppy. Ses cheveux lâches et salubres, sa bouche aussi éclatante que la sienne était blême. Il se dirigea vers les rideaux rabattus et les ouvrit d'un mouvement ample, puis desserra le col de son chemisier.

– La vérité, Songbird, c'est que chacun survit comme il peut. Chacun ses armes. On ne choisit pas. Tu te trompes. On prend ce qu'il y a. On s'adapte. On va dans son élément car on sait qu'on ne durerait pas trois secondes dans un autre. C'est la loi de la jungle. On se protège. On survit. Nous sommes tous, à notre manière, des êtres sauvages.

Esquissant un bref mouvement de tête, comme à l'orée d'une pensée profonde dont on s'extrait brusquement, le Duc se retourna vivement avant de revenir vers le Chasseur.

– Eh bien, Songbird. A présent, j'exige que tu partes en quête d'un gibier à mon attention... Disons, un faisan, par exemple. Toute bête à la chair tendre. Ensuite, afin de prouver que je suis moi aussi capable d'adaptation, nous partagerons ce repas ensemble. Après que tu te sois un peu... apprêté, bien sûr.



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MessageSujet: Re: "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose."   "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose." Icon_minitimeDim 2 Fév - 19:58


J'écouterais battre ton cœur...
Sur un tapis de cendres...


Cela avait en effet tendance à déstabiliser, ce parler tout à fait correct contrastant avec son apparence débraillée, son regard véhément. Tout en gardant son calme, il envoyait les mots tels des flèches affûtées sur son si jeune interlocuteur. Qualité certainement hérité de sa mère, bien qu'il se refuse a l'admettre. Toujours était-il que le garçonnet en semblait... Troublé. Mais Poppy ne s'inventerait pas un langage campagnard uniquement pour renforcer le cliché assuré de Sieur Alexiel. Il n'avait visiblement pas besoin de lui pour cela. Le drôle d’animal secoua doucement sa chevelure, levant le menton comme pour ombrer son visage de traits plus nobles. Non pas qu'il se surpris à douter de son port de tête, mais mieux valait demeurer digne. Oh si seulement il avait été cerf. On aurait alors plus eu à douter de sa noblesse souveraine sur son royaume de forêt. Après-tout, n'étaient-ils pas Roi chacun dans leur domaine... L'ordre et les règles dans le cas du petit Duc.

Cesse de froncer les sourcils petit, tu va les abîmer. On aurait presque pu apercevoir une naissance de sourire sur le visage si fermé du Papillon. Presque. Le cadet semblait relativement agacé, comme si la simple présence appellée en ces lieux suffisait à attiser ses colères. Pourquoi... ? Qu'avait-il donc fait à cet enfant pour  un tel mépris... ? Il avait fait profil bas jusqu'à ce jour, tenant à sa tranquillité, ne se contentant que de regards lourds et appuyés lors des réunions au grenier. Alors pourquoi... Qu'est-ce qui, dans son être, insupportait donc autant ce petit noblion ?! La réponse était d'autant plus frustrante qu'il ne parvenait pas à la saisir alors qu'elle voletait tout près. Être. Lui reprochait-on simplement d'être... ? Ridicule ! Il n'avait pourtant rien d’extraordinaire en soit – de son point de vu – si ce n'était que son talent indéniable d'archerie. En dehors de cela, il était semblable à un milliard d'enfants, quoique physiquement perturbant, et préférait d'ailleurs éviter la masse pour préserver son intégrité. Alors quoi. Était-ce simplement son existence qu'on lui reprochait ainsi ? La raison qui expliquait sa présence ici à se faire juger du regard sans aucune raison... ? Le Coquelicot leva son sourcil visible, barré d'une cicatrice qu'il avait d'ailleurs en fierté.

Il était exaspéré, fatigué des jérémiades hautes perchées de ce gosse pédant. Pas égaux devant la mort... ? Vas dire ça à mon Elliot. Va dire ça à ce cadavre ouvert qui gisait dans les cendres ce jour là. Vas-y, dis le lui !! Sa main partirait seule si le gamin ne calmait pas l'ardeur de ses mots. Ils avaient certes tous connu la mort. Elle était la raison même de leur présence en ces lieux. Leurs parents, feu Princesse Amity plus dernièrement. Mais qu'on ne la lui fasse pas. Pas après qu'il ai posé son regard sur ce corps déchiré par le choc, à peine reconnaissable. Bordel. Il en jurait. Le déluge de mot sembla lui passer par-dessus la tête tant les efforts fournis pour ne pas gifler ce visage trop enhardi de son petit discours étaient grands. Il se foutait totalement des dispositions matinales de ce chiard, il se foutait éperdument des relations de Lucifel. Étouffé par une colère sourde et grondante. De seconde en seconde, le regard rougeoyant se durcissait, presque adulte maintenant, irradiant de haine d'autant plus terrifiante qu'elle ne transparaissait jamais sur ses traits.  L'organisation, la morale... Il les avaient enterré vivantes et avait fait un feu de joie de leurs préceptes. Il ne voulait pas entendre parler de ça, il voulait seulement clore une bonne fois pour toute la bouche trop bavarde de ce gosse. Alexiel pouvait s'estimer très heureux que l'aîné ai oublié son arc en montant dans cette pièce. L'on aurait pas donné cher de sa peau si cela n'avait pas été le cas. Puis le calvaire pris fin. Le sauvageon n'eut même pas la force d'argumenter. Le poing serré contre un pan déchiré de sa robe gris sale laissait entrapercevoir sa rage. S'il n'avait pas eu la présence d'esprit de réfreiner ses pulsions, ce poing aurait été gentiment embrasser la mâchoire de ce morveux.

La lumière éclata dans la pièce comme une libération mais ses prunelles continuaient de s'embraser furieusement. Puis sa voix. Plus grave qu'il ne l'aurait voulu. Plus tremblante aussi. Mais tout plutôt que d’admettre qu'il avait été assez blessé pour avoir envie d'épingler le Duc au mur.

« C'est bon ? Tu as terminé ? »

A comprendre : Au moindre argument nouveau, je ne répond plus de moi. La proposition... Non. « L'ordre » suivant le discours le dérida à peine. Était-ce une plaisanterie... ? Quoi qu’aussi simple fut l'idée, l'évocation d'une sortie loin de cette pièce étouffante suffit à lui permettre de tenir quelques minutes de plus. La chose manqua de le faire tiquer d'un rictus. Faire preuve d’adaptation... Comme si dîner tranquillement nécessitait la moindre adaptation pour le Duc tiens... Lui en revanche... Il allait devoir redoubler d'efforts. Ou bien fuir l'invitation une fois rentrer. Il ne releva pas le terme « apprêté », préférant se concentrer sur un seul problème à la fois. Il était encore capable de prendre ses bains selon son envie et de porter les vêtements qui le seyaient le mieux. Le Coquelicot soupira, se passant une main dans les cheveux.

« Bien...  Alors j'y vais, si c'est tout ce que tu avais a me dire. C'était fort intéressant. Maintenant je vais sortir, respirer dehors, et surtout me calmer les nerfs. Merci. »

Serrer les dents à s'en faire sauter la molaire. Lentement, l'enfant des bois tourna les talon,s doucement, comme de crainte d'un rappel à l'ordre le poussant à rester quelques secondes de plus. Oh non. Pas une minute de plus. Plus jamais. Poppy en avait soupé pour toute une vie. La porte claqua, l'adolescent souffla. Il irait se saisir de son arc, et s'élancerait dans les bois. Loin de cette barque malfamée. Loin de cet Aristocrate de malheur au manières de grand Seigneur.

©cec
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Alexiel Hargreaves

Duc
Alexiel Hargreaves
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Once upon a time
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MessageSujet: Re: "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose."   "Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose." Icon_minitimeLun 17 Mar - 17:17


Spoiler:


De loin, on aurait pu le prendre pour un mannequin de vitrine. Il en avait l'élégance, la stature, la rigidité aussi. Alexiel Hargreaves se tenait donc excessivement droit et figé, contemplant de son œil aussi vif que froid l'agitation qui animait les orphelins dans le parc.
Personne d'autre que lui-même ne passait autant de temps dans la Veranda. Le Duc contemplatif l'avait élu pour siège, perché tel un aigle royal qui observe d'un regard illustre la faune éparpillée à ses pieds. Il ne s'attardait, toutefois, non sur une proie, mais sur un sujet qui semblait forcer son attention, à savoir un Papillon à la silhouette désagréablement plus épaisse que la sienne.

Alexiel plissa son œil outremer tandis qu'il décortiquait les faits et gestes du Chasseur qui s'éloignait, arc en main, posture presque bestiale. Jusqu'alors, il n'avait jamais pris la peine d'observer les orphelins à leur tâche, encore moins les Chasseurs dont le labeur était si opposé à ses propres attributions. Aussi vaniteux fût-il, il ne s'imaginait pas les diriger ou les réprimander dans le déroulement de leur mission – comme il s'y autorisait à l'inverse pour les tâches plus... domestiques – du fait que, pour parler brutalement, il s'y connaissait foutrement rien.

Finalement, son observation fut interrompue par la vision d'un enfant qui paraissait prendre un plaisir certain et non moins sordide à arracher une à une les pattes d'insectes divers avant de les fourrer dans sa poche, attachant un soin particulier à lécher ses doigts couverts de boue avant de tripoter lesdites bestioles. Hashberry Hole, le Fou, le fou. Réprimant une grimace de dégoût, Alexiel se détourna de la vaste fenêtre et, empoignant sa canne, se mit en quête de quelque sous-fifres. Il était temps de préparer la table.


♠ ♠ ♠


De manière générale, Lucifel ne se souciait guère des actions de la Mangouste, du moment qu'elles ne portaient pas atteinte aux siennes ou qu'elles ne risquaient pas d'ébranler l'autorité de la monarchie – ce qui ne risquait point d'arriver de la part d'un de ses fondateurs. Ainsi, sans prendre la peine de consulter son prince qui avait certainement mieux à faire – d'autant qu'Alexiel craignait que le Corbeau voulût se joindre à eux, ce qui le contrariait sans qu'il en sût réellement la raison – le Duc donna quelques ordres, distribua quelques indications, et la chose fut mis en œuvre afin que les deux êtres si distincts fussent néanmoins réunis et isolés dans le fumoir.
L'infortune voulut que Malice eût vent de l'entreprise et insistât pour apporter son aide,
ce qu'Alexiel finit par concéder en se tenant à distance raisonnable du Valet. Son orgueil l'empêchait de renoncer à son projet – à moins qu'à nouveau, il y eut une autre origine à cette ténacité, mais là encore nous respecterons la pudeur d'Alexiel et mettrons cela sur le compte d'une vanité tout aussi tenace.

Une petite heure plus tard, la table était non seulement dressée mais servie. En vue de la rusticité ambiante de l'orphelinat, elle dégageait quelque chose de relativement opulent. Nappe et serviettes brodées, quelques chandelles, couverts en étain mais scintillants tout de même. Alexiel avait tâché de recrée le monde qui l'avait bercé, et malgré quelques inévitables manquements, l'effet produit était globalement satisfaisant. Et puis, ce n'était qu'un sauvageon. Ce n'était qu'un sauvageon.

Dans quelques minutes, Poppy reviendrait chargé de son gibier, l'offrant aux cuisiniers qui se chargeraient de transformer la carcasse molle en délectable met. Aussi délectable qu'il pût être en tous cas...
Lâchant un léger soupir nasal, Alexiel vint s'asseoir à l'une des deux chaises établies autour de la table, lissant un pli récalcitrant sur la nappe immaculée. Il resta un moment absorbé par ses pensées, incapable de les fixer, avant de se servir un verre de vin.

Et tandis qu'il patientait sans s'en irriter, attendant de voir la porte du fumoir s'ouvrir afin d'y laisser apparaitre la silhouette distinctive du Papillon, une petite voix susurrait à la conscience d'Alexiel : "Pourquoi fais-tu cela ?".


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