L’incident de la clé à cinq feuilles avait laissé un goût amer dans la bouche des orphelins tant il leur avait brutalement semblé que cette course aux clés était plus périlleuse qu’elle ne le semblait de prime abord. Aussi, ce furent des murmures mitigés qui escortèrent le cortège alors qu’ils se dirigeaient tous vers la salle de jeux, trainant leurs pieds sur le parquet poussiéreux de la bâtisse. Ils s’étaient tous massés dans la petite pièce, retenant leur souffle alors que l’Enfance tournait son visage aveugle vers eux.

Elle n’avait pas semblé réagir, au début. Contrairement à ses sœurs, elle n’avait pas semblé reconnaître les feuilles qui lui revenaient. Ce n’est que lorsque Mya tendit la main vers elle qu’elle fit claquer les talons de ses chaussures cirées contre le bois du coffre avant de se laisser glisser au bas du coffre sur lequel elle était juchée. Les doigts tremblants, Mya avait glissé les feuilles de cuivre sous le ruban qui entourait le corps de l'Enfance dont le visage, brutalement, avait semblé s'illuminer. Il y avait eu le silence et puis, rapidement, le bruit mat d'une clé qui serait tombée au sol.

Ils avaient retenu leur souffle.

Sans un bruit, l’Enfance s’était penchée vers le coffre, invitant Mya à introduire la clé dans la serrure cuivrée. Au début, il n’y avait eu aucun bruit. Et puis on avait entendu des cliquetis dans le coffre en bois, comme un million de cliquetis semblable. Le lourd couvercle du coffre avait semblé se soulever péniblement avant de se rabattre en arrière complètement.

Il n’y avait plus eu un bruit.

Dans la foule des orphelins, une rumeur affolée s’était répandue. Rapidement, Mya avait été enjointe à aller regarder dans le coffre alors que l’Enfance, presque légère, tournait autour tranquillement. Lorsqu’elle s’était penchée pour voir à l’intérieur, elle n’avait rien vu. Et puis elle avait senti, violemment, une poussée dans son dos. Elle n’eut le temps que de voir le visage fantomatique du monstre, que d’entendre le cri affolé des enfants derrière avant que le couvercle ne se referme sur elle.

Au début, il n’y avait eu que le noir. Et puis elle avait senti, brutalement, des mouvements autour d’elle, les mouvements des jouets. Dans l’obscurité du coffre, ils avaient rampé vers elle. Dans le noir, les jeux d’hier étaient devenus des monstres. Lorsqu’il l’avait attaqué, elle avait hurlé.
Dehors, personne n’avait rien entendu.

Même l’enfance n’était plus sacrée, à l’orphelinat.

Surprise, surprise ! Encore un cadeau empoisonné pour ces chers orphelins. Comme vous l’avez sans doute compris, le coffre de la salle de jeu est bien un coffre à jouets… Mais les jouets qu’il contient sont un peu particuliers. Véritables petits soldats à la solde de l’Enfance gare à ceux qui oseront les approcher : l’Enfance se fera une joie de leur ordonner d’attaquer. Et ne parlons même pas du sort de ceux qui aurait le malheur de se faire enfermer à l’intérieur du coffre dont l'intérieur est infiniment plus grand que l'on pourrait le penser…