Tous les orphelins s'étaient rassemblés dans la cour intérieure, autour du puits qui ne servait plus au profit de la pompe à eau. D'abord parce qu'il était asséché et ensuite parce qu'il était habité par une étrange sirène : La Perte. Ce monstre était de loin la plus écœurante de tous ceux présents à Cloverfield. Non pas parce qu'elle était laide, mais parce qu'elle dégageait une odeur pestilentielle très difficile à supporter. Et son aspect mou n'arrangeait rien... Dès qu'elle les avait senti approcher, la Perte avait émergé de son puits comme un Diable de sa boîte, accrochée à la margelle, frétillante. Elle sentait sa clé lui revenir, c'était certain.

Gênés par l'odeur, nombreux étaient ceux qui se bouchaient le nez ; quand La Perte était au fond de son puits, ça allait, mais quand elle revenait à la surface... Urg. Le Prince poussa Albert Gillespie dans le dos pour le faire avancer vers le puits. Qu'on en finisse et vite ! C'était le Baron qui avait reconstitué une clé le premier, celle à deux feuilles réclamée par La Perte. Tâchant de conserver un certain professionnalisme malgré la puanteur qui lui piquait le nez, Albert marcha jusqu'au monstre marin et lui tendit les feuilles de bronze d'une main un peu tremblante. Surexcitée, La Perte s'en empara et sortit le corps tronqué de la clé : aussitôt et comme douées d'une vie propre, les feuilles s'y fixèrent aussitôt et La Perte se laissa retomber dans son puits avec un bruit d'éclaboussures assez incongru pour un puits asséché. Perplexe, Albert se pencha par-dessus la margelle et écarquilla les yeux : une eau noire et furieuse remontait à toute vitesse vers l'ouverture. Apeuré, il poussa un cri qui alerta les autres et tous tentèrent de se ruer vers la sortie. L'eau, épaisse, sombre et boueuse, se déversa du puits à torrent et, sous les yeux effarés de leurs camarades, les orphelins qui furent engloutis par l'eau disparurent purement et simplement. Pire encore, des enfants sans bras, sans bouche, sans nez, sans yeux, sans tête,... hurlaient et tournaient en rond, privés des parties de leur corps qui avaient été touchées par l'eau, monstrueux et difformes. Au milieu du chaos, La Perte rampait dans la vase, visiblement heureuse.

Les orphelins mutilés retrouvèrent leurs parties perdues dans les heures ou les jours qui suivirent, sans plus d'explications. Quant à ceux qui s'étaient volatilisés, on les retrouva, hagards, dans la salle de confinement.

Après que la clé ait été remise à La Perte, le lieu a été "chargé magiquement", si on peut dire. La boue et l'eau qui sortent du puits ont le pouvoir de dérober tout ce qu'elles touchent, du corps entier jusqu'à de simples morceaux. Le corps ne saigne pas quand on perd un bras ou un œil, par exemple : à la place du membre/organe manquant, il y a simplement de la peau lisse. Ces parties manquantes reviennent d'elles-même de quelques heures à quelques jours plus tard. Dans le cas où le corps entier disparaît (auquel cas vous devez carrément tomber dans le puits), vous vous retrouvez dans le Néant : un monde obscur que l'ont pourrait comparer à l'Abysse dans Pandora Hearts, j'imagine, mais rien ne vous empêche d'imaginer votre propre Néant tant que la notion de vide et d'obscurité est respectée. Il s'y trouve tout ce qui a été dérobé par La Perte au cours des siècles et qui n'a jamais (ou pas encore) était restitué. Le temps ne s'écoule pas de la même manière dans le Néant (à vous d'imaginer comment) mais la plupart des orphelins réapparaissent quelques jours plus tard dans la salle de confinement où se trouvent probablement un portail indétectable par les humains. La Perte éclabousse régulièrement la cour intérieure, en plus ou moins grande quantité, alors attention où vous mettez les pieds...